Retour en France

Et donc, après les Baléares, retour en France ! Notre dernière petite traversée se passe, ma foi, pas trop mal, avec du vent, puis plus de vent, des flottilles de bateaux de pêche à traverser en pleine nuit,

en bleu la route de Nocciolino (la grosse coque rouge)

puis de la mer agitée de face, pour finir à l’ancre dans la baie de Port Bou, dernier mouillage à l’étranger.

Puis nous allons mouiller un peu plus loin dans la baie de Paulilles pour retrouver Marc et Aline, connus au Cap vert il y a 5 ans. Eux viennent d’acheter un voilier et partent en voyage, nous on rentre

Le 23 juillet nous effectuons notre dernière navigation, 65 milles pour joindre Sète, au près avec un vent modéré dans une mer calme, impeccable !!!

Arrivée à Sète

Là, ça sent la fin ! Sentiments très mitigés, entre satisfaction d’être arrivés et nostalgie… la fin d’un voyage, la fin d’un mode de vie.

On s’amarre au ponton de la marina du môle, face au canal royal, et on pavoise : tous les pavillons de courtoisie des pays ou régions que l’on a abordé sont exposés dans une grande et joyeuse banderole

Puis on reprend contact avec le chantier dans lequel on pourra poser Nocciolino*, on passe les ponts pour entrer dans l’étang de Thau

et c’est le dernier accostage avant la levée à terre, dont on ne connaît pas encore la date. Mais en attendant de pouvoir revendre le bateau, il y a du déménagement, du nettoyage, quelques réparations, des retouches de peinture… De la famille qui nous attend à La Capelle

*En fait on est partis du Cap d’Agde (le 29 avril 2015) mais on a acheté le bateau à Sète (le 12 octobre 2013) sur un chantier sur l’étang de Thau, et c’est quasiment au même endroit que Nocciolino va se garer à sec pour trouver un nouveau propriétaire… Un hasard qu’on a un peu provoqué, mais on a eu la chance de récupérer la place occupée par le bateau qu’ont racheté Marc et Aline ! Encore une boucle bouclée !

Quelles conclusions tirer de tout cela ? Oulalala vraiment difficile !

On peut faire un petit bilan chiffré :

Nous avons parcouru en huit ans 32 486 milles nautiques soit 60 164 km, visité 30 pays (les «régions» comme la Corse, les Canaries, les Açores n’ont pas été comptées comme pays), abordé 267 îles où on a passé au moins une nuit,

à chaque année une couleur différente

effectué 41 navigations en pleine mer nécessitant au moins une nuit en mer (le reste en côtier, avec mouillage ou port tous les soirs), avec un total de 111 nuits passées en mer (mini 1, maxi 19 pour la traversée Bermudes Açores), pratiqué des centaines de mouillages le plus souvent isolés, souvent très beaux, des dizaines de jolis petits ports… tout ça est bien difficile à résumer !

On a eu beaucoup de chance, pas de gros coup dur en mer (sauf 2-3 bricoles), pas de blessures graves, même pas le covid !!!

Cotés négatifs : la météo pas toujours arrangeante, plein de petits soucis matériels (un bateau relativement vieux…) qui finalement coûtent cher, et qui gavent ! Voire qui nous immobilisent dans des endroits pas forcément terribles, là on ne choisit pas. Des chantiers d’entretien fatigants et chers, tous les ans.

plié en 4 dans les fonds, changement d’un réservoir d’eau

Mais bon, le bateau a fait le job, l’équipage a survécu ! Et on a passé beaucoup beaucoup de super moments !

Le pays qu’on a le plus aimé ? … ben tous ! Sauf peut-être les Bahamas, trop tourné vers l’accueil des riches. Mais globalement on a plus aimé les pays du nord, et la Grèce en hiver. C’est lié aussi à l’affluence touristique, qui nous déprime quand elle rime avec paquebots, moto-mer (jet-skis), hors-bords sur-motorisés bruyants et créant sur leur passage une mer agitée (voire dangereuse quand on est en annexe) dans les mouillages, manque total de respect pour les autres usagers

Les meilleurs souvenirs ? De très belles rencontres, éphémères ou durables,

Henri et Marie Thérèse sur Luskell nous accueillent au mouillage (Irlande)

des contrées bourrées de paysages magnifiques, dans lesquelles nous nous sommes immergés, ou de villes ou sites historiques passionnants. Et comme nous les abordions en bateau, nous avons suivi les voies maritimes des commerçants et/ou des conquérants des siècles passés, vikings, vénitiens, espagnols, portugais, français, anglais, qui se sont partagé le monde (du moins cette partie du monde que nous avons parcouru), le plus souvent en écrasant et en asservissant systématiquement et allègrement les peuples autochtones.

Des souvenirs étayés par une photothèque de 27 000 clichés ! Dur de faire une sélection pour le dernier album !

Loch Marveig – Lewis, Outer Hebrides, Scotland, tranquilles !

Parmi les souvenirs les plus marquants : St Kilda à l’ouest des Hébrides extérieures (Écosse), pour ces îles si sauvages mais habitées par une population si particulière (XVIIIè au XXè siècle), l’extraordinaire civilisation maya qui a laissée tant de traces et qui reste relativement vivante, les indiens kuna des îles côtières du Panama, qui ont conservé un mode de vie ancestral dans un monde aux transformations incontrôlables, ou encore les petits pêcheurs côtiers et leurs moyens dérisoires pour survivre et nourrir leur communauté…

Les kuna font le trajet tous les jours en pirogue entre leur île et leurs cultures sur le continent

Et, tout dernièrement, in extremis, une rencontre avec Michel Francioli, le « père » de Nocciolino, constructeur et premier propriétaire, avec qui nous n’avions été en contact que par courriel. Il est venu à bord, avec son album de photos de la construction.

Michel, tout content de retrouver son bateau, 28 ans après la fin de la construction

Très ému de retrouver son bébé, assez peu transformé, et toujours d’attaque pour repartir en voyage. Et nous, très émus également en l’entendant raconter ses souvenirs encore très vifs de la construction, entre 1988 et 1995. Parallèlement, nous avons été contactés par Antoine, le chanteur navigateur (1966, les élucubrations !), qui, ayant vu notre signature sur le mur à Horta aux Açores, nous demande si le nom du bateau a un rapport avec la chanson « Nocciolino » qu’il a interprété en 1979. Et c’est Michel qui répond que oui, il a baptisé ainsi son bateau, les paroles correspondant bien à son état d’esprit à l’époque, envie d’envoyer balader le monde asservi du travail pour l’aventure sur les mers…

Et c’est avec un clin d’œil très appuyé que nous terminons ce blog avec les photos de Nocciolino en gestation !

la coque vide de Nocciolino rejoint le jardin de Michel en 1989

Aux Açores dans le port d’Horta

C’était le dernier article de ce blog, merci à ceux qui l’ont suivi, merci à ceux qui nous ont rejoint à bord, et place aux suivants !

Il y aura encore un album photo issu d’une sélection sur les 8 ans de voyage. Patience, c’est pas facile !

Les Baléares

Cet arrêt dans l’archipel méditerranéen espagnol n’était pas prévu mais a été sollicité par Hugo et Marie pour passer quelques jours avec nous. Leur dernière visite au bateau datait de la Corse en 2015 ! Depuis Alvor au Portugal, où nous avons passé une très bonne soirée en compagnie de John et Jane sur leur cata Barnacle III, nous avons donc cinglé vers Gibraltar puis longé la côte espagnole vers Moraira puis Ibiza. 600 milles au moteur la plupart du temps malheureusement, car pas de vent ou trop faible… alternant nuits en mer et mouillages.

Ibiza est la première île que nous touchons, par la côte nord, sauvage et rocheuse

les bateaux indiquent l’échelle et la taille des falaises

de grosses falaises calcaires, avec quelques coupures appelées « cala » (calanques à Marseille, uvala en Croatie, etc), au fond desquelles les profondeurs sont ancrables, s’il n’y a pas trop d’herbiers de posidonie, habitat sous marin sensible et protégé. Des gardes circulent d’ailleurs en bateau pour contrôler si les ancres des plaisanciers sont bien placées sur le sable ! Il y a une application qui cartographie les herbiers et nous indique où mouiller.

Nous rejoignons Hugo et Marie sur une plage tout près de Palma, la capitale de Mallorque. Après une petite période d’acclimatation au bateau et à ses mouvements incessants sur une mer mouvante (…!) nous voilà partis pour mouillages dans criques désertes entre des falaises vertigineuses. Enfin désertes… peut-être mais pas en été ! Chaque cala reçoit des dizaines d’embarcations en tous genres, du petit bateau à moteur loué pour les sorties à la journée aux yachts matuvus en passant par des voiliers de toutes nationalités.

Mais en général en fin d’après midi la majorité des bateaux repart vers les ports, et seuls restent les habitables.

Le seul port de la côte nord est Soller, très touristique et le mouillage dans la baie bien protégée est très encombré.

Après un tour au village (oulala y’a du monde!) retour au bateau pour aller chercher un mouillage pour la nuit dans une des cala un peu plus loin, mais à celle qu’on visait, la Calobra : trop de bateaux pour un faible espace, il faut dire que ce coin est magnifique, avec un canyon qui débouche entre les falaises… Tant pis nous rebroussons chemin pour jeter l’ancre à cala Tuent, où on est que 4 bateaux

au fond, le mouillage de cala Tuent

Les Baléares en été c’est aussi une bonne chaleur, heureusement qu’on peut se baigner, sauf quand on trouve quelques méduses ! L’eau est toujours très claire, on les repère facilement, mais il faut avoir l’oeil…

Surprise : un bateau de pêche norvégien ou suédois reconverti en tourisme

Enfin le 19, nous laissons Hugo et Marie à Pollença, au nord de l’île, après une séance de démêlage de notre chaîne d’ancre avec celle d’un corps mort inoccupé, et mettons le cap sur la France.

Conclusion pour les Baléares : des îles magnifiques, mais à faire hors saison pour éviter le monde, la chaleur et les prix (mouillages payants, marinas hors de prix!)

La fin de la transat

780 milles à faire, en ligne droite, plein Est. Mais la météo nous contraint à monter d’abord vers le nord, avec des vents plutôt faibles de Sud, jusqu’au niveau de Lisbonne à peu près, pour finir le trajet avec des vents de Nord-est, pour ne pas être trop au près en redescendant vers la pointe sud du Portugal … vous suivez ou bien ?… bon, une carte

Nous partons de Santa Maria le 16 juin vers midi. Les premiers jours le vent est plutôt faible, nous avançons lentement, avec des périodes au moteur. Le 3ème jour, notre Iridium, moyen de communication par satellite, tombe en panne. Diverses manips pour le redémarrer ne donnent rien ! GRRRR GRRR et reGRRRR ! Ça veut dire plus de météo, et la famille proche qui pouvait nous suivre sans nouvelles de nous… super pub pour IRIDIUM GO, appareil qui n’a que peu servi et qui vous lâche quand vous en avez besoin !!! Le lendemain soir, nous croisons le cargo Mystic Eagle, que nous contactons par radio en lui demandant d’envoyer un message à Hugo pour expliquer qu’on n’a plus de moyens de communication mais que tout va bien.

Et on passe de longues heures dans une mer complètement plate, sauf une large ondulation plutôt agréable. Avec moteur ou sans pour parfois profiter d’un souffle même si ça n’avance pas vite, car le moteur c’est bruyant !

on essaie de pêcher à la traîne, mais on n’a ramassé qu’un sac plastique

On est définitivement de piètres pêcheurs !

Enfin le 5ème jour à 6 h du matin, le vent de Nord-est se lève brusquement. Pas trop fort, on arrive à faire du plein Est au près. Nous croisons un voilier français qui va aux Açores, par radio il nous confirme la météo, vent de secteur Nord-est à Nord autour de 20 nœuds. Conforme aux prévisions, qui datent déjà de 4 jours. Ok pas de coup de vent annoncé.

Commencent 4 jours de vent de travers relativement soutenu, 20 nœuds puis 25 nœuds, dans une mer qui grossit petit à petit. Au début ça va encore, on a pu manger dehors. Puis des paquets d’eau se sont abattus plus ou moins régulièrement sur le bateau, nous confinant à l’intérieur, sauf le temps de veille extérieure pour juger de la situation, régler un peu les voiles. A l’intérieur, ça bouge beaucoup, il faut rester assis ou couché en attendant l’arrivée… Il faut quand même faire attention, le secteur est très fréquenté par le commerce international

la zone rose aux abords du cap Saint Vincent est le « rail » dans lequel doivent passer tous les navires, et que les petits bateaux comme nous peuvent couper en passant entre les gros.

Pendant un moment le vent nous forçant à une route trop sud, nous avons eu peur de ne pas arriver à joindre le cap Saint Vincent et de partir vers le Maroc ! À tort car on pouvait toujours redresser au moteur (mais avec du vent c’est quand même rageant!), et aussi parce que plus on s’approchait du Portugal, plus le vent passait franchement Nord, nous permettant enfin de faire une route correcte (voir la carte en haut).

Le vent forcissant vers les 25 noeuds, on rentre le génois pour établir la trinquette, voile plus petite, mais peu puissante. Mais ça nous permet d’étaler des coups de vent plus forts, toujours à craindre. Et de fait, ça monte parfois à 30 nœuds. Avec cette voilure très réduite, rien à craindre.

Le soir, en prévision de l’arrivée vers le rail, on se remet vent arrière le temps d’affaler le trinquette, pour être plus facilement manœuvrant et éviter les cargos. Et effectivement en pleine nuit on doit laisser le passage à deux navires, puis on croise le rail en surveillant à l’AIS la progression des autres, mais ça passe sans encombre. A la sortie du rail (qui fait quand même 21 milles de large) le jour se lève, le vent de nord faiblit, on remet le génois, on voit la terre ! C’est passé !

A 10h30 le 9ème jour, nous mouillons dans la baie de Baleeira, Portugal, près de la plage. Le vent ressouffle fort, jusqu’à 35, mais de la terre, donc sans vagues puisque nous en sommes très proches. C’est d’ailleurs un spot de planche à voile, ici, et ils s’amusent à passer tout près de nous à toute vitesse ! Mais pour l’instant : REPOS !

Les Açores (3) Sao Miguel et Santa Maria.

Sao Miguel est la principale et la plus grande île des Açores, et Ponta Delgada la capitale de l’Archipel. C’est la grande ville ! (70 000 hab) La preuve, il y a des trottinettes électriques et des feux de circulation ! Le port abrite la plus grande marina, et l’aéroport voisin, très actif, déverse ses milliers de touristes, on peut le mesurer au nombre de magasins à souvenirs…

Mais la marina a l’avantage d’être tout près du centre historique, qui est très joli.

Bon, la déco est parfois un peu lourde ! Et l’intérieur fait montre d’une incroyable débauche de fioritures dorées, témoin de la richesse de l’Église catholique, mais ce n’est pas spécifique des Açores

Un peu comme à Madère, il y a de très beaux jardins botaniques, très agréables

Pour l’intérieur de l’île, nous avons loué une voiture pendant 3 jours, mais le mauvais temps nous a pas mal desservi, et nous n’avons pas pu en profiter pleinement. D’autre part les principaux sites étaient plutôt bondés (la faute à l’aéroport !).

Le volcanisme : plusieurs endroits chauffent encore bien, avec des fumerolles et des sources chaudes (jusqu’à 100 °C), avec des bassins où l’eau sulfurée bouillonne, qui alimentent des piscines très courues

ambiance de jungle, même si on était dans le brouillard ce jour là

Dans certains de ces lieux, des marmites sont enterrées dans le sol chaud pour mijoter le fameux Cosido, un pot au feu local, excellent avec son petit arrière goût fumé !

cozido das furnas

Sao Miguel est l’île des grands lacs, qui occupent tout ou partie du fond des grandes caldeiras (cratères). Là personne ne se baigne et, heureusement, les moteurs ne sont pas autorisés sur l’eau, seuls se promènent quelques kayaks.

on voit au dernier plan la bordure du cratère, qui fait 5 km de diamètre !

ce petit lac dans un environnement qui paraît naturel est en fait cerné de boisements artificiels de cryptomeria du Japon et ses bordures sont sillonnées de sentier gravillonnés !

Autre spécificithé : Sao Miguel abrite la SEULE plantation de thé de toute l’Europe, qu’on peut visithé, bien que très partiellement depuis le covid. Mais on a pu le gouthé sur place – bon c’est fini les jeux de mots ?

La côte, comme sur les autres îles volcaniques, est très découpée avec des points de vue spectaculaires, et toujours les piscines naturelles dans la lave, puisqu’il n’y a pas de plages

Le culte de l’Esprit saint est pratiqué ici aussi dans les imperios, mais avec moins de faste qu’à Terceira

c’est censé protéger les îliens des éruptions et des tremblements de terre, illustrés sur cet azulero. Moi, ce que j’en dit …

Santa Maria

Nous rejoignons la dernière île après une journée de navigation sans problème. La petite marina de Vila do porto a de la place (on avait téléphoné avant). La petite ville (la capitale de l’île) est installée sur la crête qui domine la mer, cela rappelle les hortas dans les Cyclades, les villes sur les hauteurs pour se garder des pirates !

Quel contraste avec Sao Miguel ! Très peu de visiteurs sur cette île, tout est calme et détendu ! La petite ville est moins fastueuse mais jolie,

cette œuvre du portugais Bordalo II en plastiques de récupération représente le plus petit oiseau d’Europe, le roitelet de Santa Maria, une sous-espèce de notre roitelet huppé *

Les maisons sont blanches, avec pour les églises et bâtiments officiels des encadrements en pierre de lave, et pour les autres des encadrements peints ; et l’île présente de ce point de vue une étonnante unité architecturale.

Ces imposantes et curieuses cheminées de four à pain sont très courantes sur les maisons de Santa Maria.

l’imposante église d’un tout petit village, avec son encadrement qui rappelle les glyphes mayas !

Le phare de Conçalo velho, avec en premier plan la vigie des baleines, (il y avait autrefois une petite usine de traitement des baleines juste en dessous), et d’anciennes vignes

baie de Sao Lorenzo

En bref, Santa Maria nous a vraiment bien plu, pour sa tranquillité et sa simplicité, surtout après la bouillonnante Sao Miguel. Allez, les autres îles nous ont aussi beaucoup plu, les Açores c’est vraiment chouette !

* à ce propos on peut souligner la pauvreté de la faune aux Açores : la seule espèce de mammifère terrestre sauvage est une chauve-souris (c’est pas péjoratif!), chez les oiseaux on ne compte qu’une douzaine d’espèces nicheuses, et pas très originales même s’il s’agit à chaque fois de sous-espèces açoréennes : merle, rouge-gorge, étourneau, pinson, bergeronette… une seule espèce de rapace, la buse (ssp B. b. Rotshildii). Donc beaucoup plus pauvre et banal que les autres îles de la Macaronésie (Madeire, Canaries, Cap vert). Heureusement le Cagarro (puffin cendré) relève un peu le niveau, et égaye les sorties en mer !

Malgré l’attrait de ces îles, et bien qu’on ne les aie pas toutes visitées, nous reprenons la mer le 21 juin pour le dernier tronçon de notre transat retour, et rejoindre le Portugal, tiraillés par l’envie de rentrer et par des rendez-vous familiaux pour le mois de juillet.

Le pico alto, point culminant de Santa Maria, toujours dans les nuages !

Les Açores (2) Sao Jorge et Terceira

Juste au nord de Pico s’étale, étroite et tout en longueur, l’île de Sao Jorge. A Velas, Jose nous accueille dans sa petite marina (c’est le 3è responsable de marinas qui porte ce prénom!). Nous passons la première nuit à l’ancre à l’extérieur, pas de place pour l’instant au ponton. Le soir, après la tombée de la nuit, super concert de puffins cendrés, qui nichent dans la falaise tout contre le mouillage !

(Enregistrement de Raymond Altès sur internet)

Cet oiseau pélagique (qui passe sa vie en mer) ne vient à terre que pour la saison de reproduction. Le poussin est à l’abri dans un terrier dans une forte pente, et les adultes viennent le nourrir à la nuit tombée. On les entend vocaliser quand ils passent au dessus des bateaux, une partie de la nuit. Les Açores accueillent la majorité de la population de cette espèce, atlantique et méditerranéenne.

Le lendemain Jose nous fait amarrer au quai, et nous partons visiter le petit bourg de Velas, bien sympa mais … pas de marché au légumes, ni au poisson. Pourtant il y a un petit port de pêche.

le très modeste port de pêche, plus loin la très modeste marina, et en fond la falaise aux puffins

Comme dans les autres îles, la pierre de lave noire marque l’architecture.

Nous louons une voiture pour deux jours, pour découvrir l’île aux Fajas. Une faja est un replat de terrain situé sous les hautes falaises volcanique et contre la mer. Elle s’est formée soit par une coulée de lave qui a atteint la mer, soit par effondrement d’une partie des falaises, hautes de 300 à 500 m.

la faja do Ouvidor

Ces endroits bénéficient de sols fertiles et au niveau de la mer, avec un micro climat favorable, et ont été occupés depuis des générations, malgré les difficultés d’accès, voire les risques d’isolement quand les tremblements de terre détruisent les accès (comme en 1980 à Santo Cristo).

De nos jours tout est plus facile avec des routes praticables et des véhicules puissants !

le faja do Cubres, et au fond, celle de Santo Cristo

La Faja de Sto Cristo, desservie par une piste à quad (la mule moderne) n’est plus habitée en permanence mais entretenue, avec quelques troupeaux.

Le reste de l’île est conforme au standart açoréen :
belles églises

verts pâturages d’altitude avec brouillards

mais il nous a semblé que l’élevage laitier était plus intensif ici, avec beaucoup de laiteries, et une production de fromage réputé.

Nous avons partagé notre voiture une demi-journée avec Rita et Camille, deux jeunes filles qui travaillent pour une ONG qui s’occupe des mammifères marins, des passionnées pour la protection des ces espèces et de l’océan. De nombreuses espèces de cétacés passent par les Açores, voire s’y reproduisent (le cachalot), et cet archipel est donc idéal pour la recherche mais aussi, depuis peu, pour le tourisme : les opérateurs qui vendent des tours en gros zodiacs puissants pour observer les baleines (whale watching) se multiplient.

Nous n’avons pas versé dans ce tourisme « nature » qui va devenir gênant (bien que les opérateurs s’en défendent), estimant que nous avons déjà de la chance de voir souvent des dauphins à la proue de Nocciolino.

Terceira

La marina d’Angra do Heroismo, la capitale, est au pied de la vieille ville, qui fut aussi la capitale de l’archipel jusqu’en 1832. C’est une très belle ville, qui a été sérieusement endommagée par un tremblement de terre en 1980, puis rebâtie et classée patrimoine de l’Unesco. Ses riches demeures et imposantes églises témoignent de la splendeur passée, due au commerce international entre l’ancien et le nouveau monde.

Nous n’avons visité l’intérieur de l’île que le temps d’une journée, assez pluvieuse malheureusement.

Le volcanisme se manifeste ici par des fumerolles, dans un magnifique paysage de landes humides d’altitude. Le site est très aménagé pour éviter un piétinement néfaste, mais c’est bien fait.

la myrtille des Açores forme des buissons de 1 à 2 m de haut

Les modestes hauteurs de Terceira sont pâturées,

pâturages, hortensias, vaches, goélands

les parcelles, bien géométriques, sont délimitées par des murs de pierre (de lave) bien réguliers, avec ici et là des parcelles qui ont été plantées en cryptomeria du Japon (abusivement appelé cèdre), quasiment la seule essence résineuse introduite pour la production de bois.

une futaie de cryptomeria. Aucune sylviculture là dedans, on plante et on coupe 20 à 25 ans plus tard.

Aux Açores, très nombreux sont les lieux aménagés pour les pique-niques du dimanche en forêt

ou en bord de mer (piscines naturelles dans les laves), ou sur un point de vue côtier…

la vue depuis le miradouro de Raminho, aménagé avec tables et barbecue.

Les célèbres azuleros portugais sont toujours présents pour décorer tant les églises que les lieux publics

Dans l’un des villages que nous traversons, nous assistons à un événement très populaire sur Terceira : la tourada a corda. Un taureau est lâché dans la rue, retenu à grand peine par un longue corde tenue par cinq costauds, et le jeu pour les gens est d’aller provoquer la bête, mais rien à voir avec la corrida, plutôt avec les courses de vachettes dans le midi.

traditionnellement on défie le taureau avec une ombrelle, là comme il pleuvait, c’est un parapluie ! Derrière on voit les 5 « reteneurs » en blanc avec chapeau noir. Les autres sont à l’abri, comme nous !

Le taureau n’est ni blessé ni tué, par contre il arrive parfois à chopper un imprudent, et là… on peut voir des vidéos sur internet, ça donne pas envie !

Autre curiosité plus présente à Terceira que sur les autres îles : le culte du saint esprit, pratiqué dans des « imperios » sorte de chapelle / salon dans chaque village voire chaque quartier en ville

Et voilà pour Terceira, encore une île très agréable que nous avons plus apprécié pour sa modeste capitale.

le jardim publico d’Angra do heroismo

Les Açores (1) Faial et Pico

Ah oui ça se mérite d’arriver aux Açores, mais une fois amarré à la marina de Horta, où s’arrêtent tous les transatiers sur le retour (je suis pas sûr de m’exprimer correctement…), on est très bien !

Les Açores c’est l’Europe, le Portugal, moyennement riche, des standards connus, bref on est presque chez nous ! A peu près à la latitude de Lisbonne, avec un climat doux bien océanique, fini les chaleurs trop picales ! Ce n’est pas dépaysant mais ça repose.

On reste un moment à la marina pour enclencher les réparations nécessaires (recoudre le génois, nettoyer l’échangeur de température du moteur), et découvrir la ville de Horta.

D’abord il y a le Peter Café sport, l’institution, LE lieu où tous les navigateurs du monde passent, boivent et mangent après avoir atteint les Açores à la voile !

Il y a aussi les quais, murs et toute surface disponible dans le port susceptible de porter la « signature » des voyageurs. Il y en a des centaines, plus ou moins durables!

Elles portent juste le nom du bateau et de l’équipage, parfois aussi des messages philosophiques, politiques, poétiques, humoristiques

On retrouve les signatures de quelques bateaux déjà croisés, et on réfléchit à la notre…

Quelques images d’Horta :

la pierre de lave, noire, est très utilisée
et l’on retrouve le petit pavé portugais !

Chez Peter il y a aussi un petit musée avec une impressionnante collection de dents de cachalot gravées ou sculptées

Sortis de la ville et de son port, nous avons pu vérifier que les Açores sont les îles du volcanisme et des verts pâturages

la Caldeira de Faial, qui domine l’île (1043 m)

vaches partout, les vaches qui donnent un bon lait, transformé en bon fromage, ou en beurre

La pointe nord-ouest de l’île, Capelinhos, a été le théâtre de la dernière éruption volcanique en 1957-58, d’abord sous-marine puis offrant à Faial 2,5 km2 de territoire vierge supplémentaire !

Cette éruption a été une catastrophe pour les habitants, impactant ¼ de la surface de l’île recouverte de cendres. Des paysages toujours impressionnants, tant que la végétation n’a pas reconquis l’espace.

A la fin de notre séjour sur Faial, nous apposons notre signature sur le môle de la marina

avec la chazelle, un des symboles des causses

et le Pico, point culminant du Portugal, en dernier plan

Pico

Sur l’île de Pico nous amarrons Nocciolino dans un petit port avec quelques places au ponton pour les voiliers de passage, à Lajes (prononcer Lajch).

Pico est l’une des îles où l’on cultive la vigne pour en faire un vin qui va très bien ! Mais la viticulture est très particulière, dans les champs de lave, tout à la main, avec de très faibles rendements, mais comme c’est beau !

Comme à Faial les verts pâturages dominent

mais ici il y a plus de surfaces en altitude entre 700 et 1000 m avec des ambiances plus montagnardes, et souvent des brouillards,

des petits lacs, des tourbières

des vaches, bien sûr

des haies d’hortensia (qui commencent seulement à fleurir)

et parfois un tunnel de lave pour rappeler qu’on est sur un volcan

Tout ceci a été remanié par l’homme pour le pâturage, mais il y a quelques restes des formations végétales originelles, en réserve naturelle, avec le genévrier des Açores, le houx des A…, la bruyère des…

Très chouette en tous cas !

Revenus à Lajes nous visitons le musée de la pêche au cachalot, qui a été arrêtée fin des années 80, mettant fin à toute une économie locale et assez artisanale : les cachalots repérés depuis la terre par des vigies, étaient harponnés à la main depuis des baleinières à rame et à voile, et tués à la lance. Cette chasse traditionnelle a laissé chez les Açoriens des souvenirs vivaces et de nombreuses traces, y compris les baleinières, utilisées maintenant de façons sportive

ce bateau à moteur servait à tirer les baleinières pour l’approche des cachalots

Mais il faut quand même rappeler que les populations mondiales de cachalots sont passées de 1,9 millions fin des 70′ à 300 000 récemment, même si les açoriens ne prélevaient que modestement.

TERRE !

Samedi 13 mai 2023, 9 heures du matin.
Nous sommes en mer depuis 19 jours, TERRE EN VUE ! On aperçoit Faial et Pico, les premières îles des Açores !

Mais avant…

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La transat retour

Programme : des Bahamas vers le Portugal, en faisant un stop aux Bermudes, et un séjour aux Açores. Cette longue route de près de 3500 milles (6 500km) peut donc être découpée en trois tronçons, 740 milles pour les Bermudes, 1900 milles Bermudes – Açores, et 800 milles pour le Portugal.

Nous levons l’ancre le 14 avril à 8 heures, c’est partit !

Cette traversée s’est faite en conditions variables, avec des vents moyens à faibles, au total on a fait 40 heures de moteur, et une mer plutôt agitée.

Faits marquants

On croise des cargos ou pétroliers, en général on ne les voit que sur l’AIS (sorte de radar) sur notre écran. Avec cet appareil, on voit le navire de très loin (15 à 20 milles), on connaît son cap, sa vitesse, et ça nous calcule le cas échéant le moment et l’endroit où on doit se croiser, avec l’écart entre nous. L’autre navire reçoit de nous les mêmes informations.

Alarme sur notre écran ; nous en haut, le cargo en bas. Nous faisons route de collision. Le Belforest, cargo norvégien de 200 m de long, avance à 12 nœuds au cap 16°, et croisera notre route dans 56 mn, avec un écart de 0,28 milles. Dans ce cas, pour augmenter l’écart au moment du croisement, le cargo dévie sa route de quelques degrés, et nous avons ralentit, passant de 6 à 4 nœuds. Normalement, les capitaines de ces bateaux sont de bons professionnels, et il n’y a pas de souci. Au besoin ils nous appellent à la radio.

Le Belforest croise notre route 1,5 mille devant nous, on ne s’y frottera pas !

Une nuit, à 3 heures du mat, on se prend un orage, avec forte pluie, vent tournant etc ! La grand voile était déjà réduite au 2ème ris, on a rentré le génois et tenu la barre pour rester vent arrière, sous la pluie. La pluie froide ! On n’est plus aux Caraïbes !

Un après midi, une hirondelle rustique en migration viens se poser sur le bateau. Elle est peu farouche, ou très fatiguée, et j’arrive à la prendre sur la main

Elle repartira le lendemain.

Dans la soirée, le vent tombe, et on met le moteur. Par mer agitée, avancer fait moins bouger le bateau, c’est plus confortable. Mais rapidement l’alarme sonne, le moteur surchauffe ! On arrête, vraiment dépités, on décide d’attendre le lendemain, il fera jour et la mer sera un peu calmée, peut-être… Après une mauvaise nuit à dériver dans un roulis permanent, on trouve la panne (mauvaise circulation de l’eau de mer dans le refroidisseur) et le moteur repart, ouf !

Vendredi 21 avril à 1h30 du mat, on en vue du phare de Gibbs Hill sur les Bermudes. À 9 h nous entrons dans St Georges harbour par une étroite passe. Les formalités d’entrée ont été rondement menées, puis à l’ancre, repos !

Des Bermudes, nous n’avons visité que St Georges, attendant le bon créneau météo pour la suite. Une quinzaine d’autre voiliers sont là aussi, de différentes nationalités : norvégiens, allemands, hollandais, argentins, anglais, américains… Les équipages échangent leurs perceptions des prévisions météorologiques, une réunion a même été organisée par quelques uns pour en discuter, et boire un coup

Les Bermudes font partie du Commonwealth, ça les différencient des Bahamas. Ici c’est so british, mais c’est quand même un état très riche couvert de très grosses villas. St Georges est quand même un petit village tranquille assez sympa, sauf quand on va faire ses courses !…

des voiliers plus grands que le notre… dans les 50 m!

Après quelques réparations (refaire le joint de la trappe du réservoir de GO qui fuyait, couture sur la capote, couture sur le génois), plein d’eau et de gasoil, nous reprenons la mer, le 25 avril, la météo n’est pas super favorable mais avec les conseils de Christophe, un ami navigateur croisé à Madère, avec qui nous resterons en contact par satellite pendant la traversée, nous sommes confiants.

Départ à 9h30 mardi 25 avril, après les formalités de sortie. Comment résumer cette traversée ? Difficile, on a eu de tout entre la pétole (pas ou très peu de vent) et du vent soutenu qui nous faisait bien avancer (6 nœuds parfois 7!), du Nord, du Sud, de l’Est, de la mer agitée à la mer complètement plate, ça c’est bien reposant mais c’est parce qu’il n’y a pas de vent, donc on n’avance pas ou alors au moteur.

Un brusque et fort coup de vent pendant ½ h ou ¾ d’heure, jusqu’à 50 nœuds avec les voiles non rentrées, donc il y a eu un peu de dégâts matériels…

Pendant le coup de vent nous n’avons pu affaler la grand voile, la drisse s’étant prise dans le mât. Il a fallu y grimper, une fois le vent retombé, mais ça bougeait encore bien !

le génois a été abimé, pas très grave mais faudra passer chez un maître voilier

Surtout nous avons été dans l’incertitude constante sur la fin du parcours, la météo changeait de jour en jour mais toujours avec des vents très faibles (va-t’on pouvoir arriver aux Açores ?).

Ce qu’on voit sur l’écran quand on a chargé un fichier météo par satellite : très peu de vent là où nous sommes et dans tous les sens ! (35 noeuds dans la gauche de l’image mais ça c’est loin)

On a passé beaucoup de temps à la table à carte devant l’écran avec ces fichiers météo pour essayer d’anticiper notre route. Peine perdue, la météo sur ce secteur changeait tous les jours ! Enfin ça nous a occupés !

En fait on a quand même eu assez de vent sauf à la toute fin, au 18ème jour, où on a fait presque 24 heures de moteur avec juste quelques petites pauses (pour manger au calme, vérifier les niveaux du moteur après refroidissement).

une mer d’huile

video : ça bouge pas mal, quand même !

notre trace une nuit à la dérive (pas de vent); ce tronçon représente 3.4 milles, en ligne droite…

montage du tangon pour du vent arrière fort

video : les voiles en ciseaux, le génois tangonné

envoi du spi pour du vent arrière faible
le vent est même trop faible pour gonfler le spi, les mouvements du bateau baladent la toile

On voit de plus en plus de dauphins (au moins 2 espèces identifiées : le dauphin commun à bec court et le dauphin tacheté), de plus en plus de puffins cendrés, on a vu ou croisé de nombreux navires, entre 1 et 4 par jour, alors que la transat aller, on n’en avait vu qu’un !

L’espèce la plus représentée sur l’eau pendant cette traversée est cependant … la physalie, croisée sur l’ensemble de la traversée. Très jolie lorsque le soleil couchant ou levant traverse sa voile translucide, ses tentacules de 10 à 50 m de long sont extrêmement urticantes, voir mortelles. Bon, de toutes façons, on ne s’est pas baigné !

les plus grandes font env. 15 cm (photo sur internet)

On est passé par un point situé au « milieu » de l’Atlantique nord : entre le Portugal et la Floride, 1812 milles (3352 km) de chaque coté ! De là on a jeté une bouteille à la mer, avec un message.

Et par un point situé à peu près à égale distance des destinations extrêmes de notre voyage : 3000 milles d’Alta au Nord de la Norvège, de l’île d’Astypalaia à l’Est dans les Cyclades, et à l’Ouest du Rio dulce au Guatemala. Trop près de la Guyane, seulement à 2000 milles au Sud.

Et on a passé les 30 000 milles au compteur !

Samedi 13 mai à 9 h, le 19ème jour, Faial en vue au loin ! tandis que sur l’AIS on voit 6 autres voiliers qui convergent vers l’île.

Faial à gauche, Pico à droite, dominée par le Ponta del Pico, 2351 m

Nous entrons dans la baie de Horta à 18 heures pour nous mettre au ponton d’accueil. Bien contents d’être arrivés, pardi !

Nocciolino à la célèbre marina de Horta, avec le joli pavillon des Açores

Horta est l’étape incontournable des navigateurs qui traversent l’Atlantique dans ce sens. Et chacun, ou presque, y laisse sa marque !

YUCATÁN

Je profite des longues, très longues journées en mer pour réparer un oubli (oubli ou acte manqué ?) dans le récit de notre modeste périple : le Yucatán.

Après avoir quitté l’île de Cozumel et ses paquebots, nous longeons la « Riviera Maya », couloir touristique qui longe la côte de Tulum à Cancun, une succession presque continue d’hôtel dont le point d’orgue est Cancun, immense cité balnéaire dédiée au tourisme de masse et dont l’urbanisation frénétique a débuté dans les années 70.

Notre but : Isla Mujeres, en face de Cancun, que certains nous avaient décrit comme un petit paradis pour l’avoir visité il y a 30 ou 40 ans. C’est là que nous laisserons le bateau en sécurité dans une marina pour notre virée dans la péninsule.

Première impression : l’eau qui entoure l’île est d’un bleu « caribéen » dont on ne se lasse pas. L’île est urbanisée mais avec des resorts plutôt classieux, de taille modeste, qui ne dénaturent pas trop la côte vue de la mer.

On jette l’ancre et on va à terre pour faire nos formalités d’entrée au Mexique (parmi les plus compliquées, les plus longues et les plus chères de notre voyage!) dans le bâtiment en face des ferries. Et voilà Isla Mujeres : 2 à 3 ferrys par ½ heure qui déversent leur hordes de touristes venus de Cancun pour passer la journée au « Paradis », se précipitent sur les boites de location de voiturettes de golf et, tels des aventuriers à la Indiana Jones, se lancent sur l’unique route étroite et défoncée qui fait le tour de l’île !

On ne s’attarde pas et on prend le ferry pour rejoindre le bus qui nous conduira à Valladolid, petite ville agréable, surtout en fin de journée quand les cars de touristes sont repartis à Cancun … bien placée pour visiter le site maya emblématique du Yucatán : Chichen Itza

Chichen Itza, bon, on va pas se la jouer blasé, mais grosse déception après la magie de Tikal !..  Certes les pyramides sont impressionnantes et belles mais trop reconstruites, donnant l’impression de déambuler dans un décor de cinéma. Pas mal d’archéologues ont critiqué ces restaurations quelque peu hasardeuses.

Genre de reconstruction contestée
El Caracol , un observatoire astronomique

Les marchants du temple ont envahi les allées, vendant tous les mêmes souvenirs de pacotille à la foule débarquant des cars.

Mais il y a quand même quelques belles gravures

Le plus grand jeux de pelote du Mexique

Coba sera le dernier site maya que nous visiterons (il y en a des milliers en Amérique centrale, Mexique, Guatemala, Honduras et Bélise, il y a de quoi faire pour les aficionados!). Moins fréquenté que Chichen Itza, assez étendu, il peut se parcourir à vélo.

Ici les vestiges ont gardé leur environnement forestier et certaines pyramides sont farouchement gardées par le dindon local !

Le dindon ocellé, espèce sauvage à l’origine mais certains se sont bien adapté au tourisme !

Mais si le Yucatán recèle de nombreux sites mayas et de très beaux musées sur leur histoire, nous n’avons pas retrouvé ici la magie d’être « chez les mayas », comme au Guatemala : le métissage semble beaucoup plus important, et on ne voit que très peu de costumes traditionnels, portés seulement dans les villages par quelques femmes âgées ou en ville par celles qui ont quelque chose à vendre aux touristes !

Bus pour Merida, capitale administrative et carrefour culturel du Yucatán, plutôt sympa mais qui mériterait certainement que quelque local nous en donne les clés !

On rejoint le golfe du Mexique à Celestun, sympathique village de pécheurs avec quelques modestes infrastructures touristiques.

Et la plus grosse concentration de mototaxis que nous ayons vu !

Recette du mototaxi : prenez une moto, coupez la en gros morceaux, prenez votre poste à souder et assemblez ces morceaux sur un châssis préalablement étudié pour recevoir un maximum de personnes.

1 – l’avant de la moto, presque pas transformé
2 – le moteur, assez récent, fixé dans la partie gauche du châssis bricolé.
3 – n’importe quel bidon fera office de réservoir, fixé au cadre par du fil de nylon
4 – une grosse batterie de voiture, posée sur le plancher en planches
5 – de grosses roues arrières pour porter tout le monde, et généralement 2 amortisseurs jumelés à chaque roue (pas visibles ici)
6 – des protections faites de matériaux hétéroclites, un bout de plexi comme pare-brise, de la bâche pour le toit
7 – le siège du conducteur, qui peut charger 2 personnes à ses côtés, et 2 banquettes à l’arrière, faites de planches ici rembourrées, pour 8 personnes au moins. La banquette la plus à l’arrière offre un dossier, c’est un mototaxi de luxe !

et vous voilà paré pour emmener les touristes voir les quelques flamants roses, mais vraiment très roses, principale attraction du coin !

Dernière étape : Campeche, jolie ville coloniale dotée d’un centre fortifié, ruelles bordées de maisons couleur pastel, touristique mais sans trop…

Les marquesitas : friandises incontournables !

Retour direct en bus. Dans cette partie du Yucatán, le paysage est plat, monotone, la route est bordée de ce qui nous semble être des friches d’arbustes bas, impénétrables. La région est la moins productive du Mexique au niveau agricole. Le sol calcaire, donc perméable, est recouvert d’une très fine couche de terre. Cette terre ingrate a cependant fait la fortune de quelques uns grâce à la culture du sisal, un agave dont la fibre servait à fabriquer des cordes. Il n’en reste que les haciendas en ruine ou transformées en hôtels de luxe.

Les cénotes, bassins naturels souterrains qui parsèment par milliers le territoire, servaient autrefois de citerne pour les campesinos et leurs cultures. Il est maintenant beaucoup plus rentable de les aménager en piscine pour touristes !

Pour finir sur une note plus positive : j’ai adoré les figurines et les masques funéraires vus aux musées de Merida et de Campeche, consacrés à la culture maya!

Gran museo del mundo maya , Mérida
Gran museo del mundo maya , Mérida
Musée archéologique, Campeche
Musée archéologique, Campeche
Merida : reproduction d’une partie du codex ( sorte d’almanach ) maya conservé au Museo de America de Madrid
Une BD incroyable ! on pourrait passer des heures à la détailler
Gran museo del mundo maya , Mérida
Musée archéologique, Campeche
Gran museo del mundo maya , Mérida
Musée archéologique, Campeche
Musée archéologique, Campeche
Musée archéologique, Campeche
Musée archéologique, Campeche : masque mortuaire en jade
Musée archéologique, Campeche : masque mortuaire en jade
Musée archéologique, Campeche
Gran museo del mundo maya , Mérida

Les Bahamas

Ah làlà, après Cuba, c’est le choc ! Ici c’est le pays des milliardaires et de leurs serviteurs ! Ce n’est pas encore trop flagrant dans les îles le plus méridionales mais déjà sur Atcklin island, où nous faisons notre entrée, on retrouve les gros 4×4 surmotorisés, les habitants en surpoids (en très grosse proportion), la vie chère. Nous passons par les Bahamas pour nous rapprocher du point de départ de la transat retour, et les amis de Yoni avaient trouvé ça extra. Donc allons y !

Les Bahamas c’est un vaste ensemble d’îles ente Cuba et la Floride, dans des eaux très peu profondes mais quand même très proches de grandes fosses : jusqu’à 5000 m à l’Est, et parfois 1300 m ou 2000 m entre certaines îles, et à coté de ça il y a de larges bancs très peu profonds, on navigue dans 5 m d’eau seulement et souvent moins, avec des bancs de sable quasi affleurants, il faut avoir une bonne carto et faire attention.

Des îles « paradisiaques », des plages de sable très clair avec des cocotiers, des eaux turquoises cristallines, c’est vraiment féerique !

Moins paradisiaque quand c’est trop touristique, comme ici la plage aux cochons nageurs où un troupeau de ce sympathique représentant de la faune sauvage des Bahamas (!) a l’habitude de se faire nourrir par les touristes, et c’est devenu un spot incontournable !

Et nous avons retrouvé le plaisir de naviguer entre les petites îles, de trouver de jolis mouillages isolés sur notre route, etc.

une petite passe entre 2 îles, gaffe au courant en plus !

Mais…. le revers de la médaille, c’est que tous les américains du nord sont aussi là ! (94 % USA 5 % Canada) En fait les mouillages déserts sont une exception, et près des quelques villes c’est l’affluence : à Gorgetown, qui n’est qu’une petite ville, quelques 300 bateaux, voile et moteur.

Beaucoup d’îles sont privées, avec des panneaux dissuasifs sur les plages : « no trepassing », « you are not welcome » etc. Et plus on remonte vers le nord, plus on voit de grands yachts, 40, 50, 60 m de long… en déplacement ou à l’ancre près de l’île de leur propriétaire. Tout ça brille de mille feux (il y a toujours quelques arpètes qui briquent en permanence)

Un commentaire ?

Le summum c’est à Nassau, la capitale, où l’on est allés pour racheter un smartphone (encore!!!) et faire le plein de ravitaillement « un peu moins cher » car ici on se fait assommer grave !

A Nassau il y a plein de marinas mais c’est hors de prix, heureusement on peut rester au mouillage pas loin de la ville. Mais si on veut aller à terre, il faut débarquer en annexe quelque part, pas de ponton public, une marina nous a demandé 20 $ pour débarquer ! Et la zone de mouillage est parcourue à grande vitesse par les bateaux à moteur qui emmènent les croisiéristes des 4 ou 5 paquebots présents quotidiennement vers les lieux de loisirs, et dont les sillages envoient des grosses vagues sans aucune considération pour les bateaux à l’ancre, les gens dans leur petite annexe. Aucune règle, aucun respect. De quoi raviver la haine du genre humain quand celui-ci s’ingénie et s’amuse à tout détruire autour de lui…

Il y a beaucoup d’endroits pour observer la vie sous-marine mais on n’est pas très fort pour cela, donc encore une fois on loupe beaucoup de choses dans ces régions. Le peu qu’on a vu est très chouette : coraux multicolores, poissons tropicaux aux couleurs éclatantes !

pris d’au dessus de l’eau

Par contre, pas d’oiseaux marins ! Par endroits un vol de mouettes rieuses, de rares paille-en-queue, et deux frégates, mais le plus souvent le ciel est désert !

Bref les Bahamas c’est nul !!!

Notre dernière étape aux Bahamas : Marsch harbour sur l’île de Great Abaco, la plus Nord-est du pays. En septembre 2019 le cyclone Dorian est passé ici et a détruit ou gravement endommagé la majorité des habitations et installations de l’île, faisant 75 morts et plusieurs centaines de disparus. Des vents jusqu’à 350 km/h, une onde de tempête jusqu’à 7 m de hauteur, sur ces îles essentiellement plates, et cette saloperie est restée quasi stationnaire pendant 48 heures. Nous n’avions pas ces informations en venant ici, on a commencé à voir, en passant le long des côtes, quelques bateaux en vrac dans les terres, et manifestement toutes les maisons flambant neuves ou en chantier… A terre dans la petite ville très éparpillée de Marsch, c’est un mélange comprenant des constructions toutes neuves (maisons, bâtiments commerciaux, marinas et pontons), des restes de bâtiments plus ou moins recolonisés par la végétation, et aussi des débris divers, camions, matériaux, restes de poteaux de ligne brisés etc, non encore récupérés. Et dans la baie encore certains bateaux à moitié coulés. Donc trois ans et demi après le catastrophe presque tout a été reconstruit et refonctionne (du moins dans les zones colonisées par les Américains) mais les derniers stigmates visibles font quand même dresser les cheveux sur la tête. Et l’on ne sait pas trop dans quels conditions sont logés les locaux, essentiellement noirs (parfois haïtiens en situation plus ou moins régulière), qui reconstruisent les maisons des blancs !

Dans l’attente de la bonne fenêtre météo pour partir vers les Bermudes (730 milles, environ une semaine de navigation) puis vers les Açores (1800 milles, deux semaines de plus), nous avons différentes tâches : préparation du bateau, examen du moteur, du gréement, révision des gilets de sauvetage et de différents appareils de sécurité, grattage de la coque…

l’eau n’est pas à 30 degrés on supporte bien la combine !

…ré-abonnement au téléphone satellite et divers essais (nous permet d’avoir la météo en mer et de communiquer en cas d’urgence médicale).

le petit boîtier noir nous permet de nous connecter au satellite, via le smartphone ou la tablette.

En dernier lieu il faudra faire les pleins de gas-oil (les traversées se font tout à la voile mais il faut pouvoir éventuellement se déplacer au moteur) et d’eau (on peut embarquer environ 500 litres), faire l’avitaillement en frais, et faire les formalités de sortie du pays.

En guise de récréation on va sa promener sur les petites îles alentours, colonisées par les résidences américaines (le drapeau US flotte partout)

sur cette petite île on circule uniquement en voiturette de golf

La spécialité du pays : la conche (appelée ailleurs lambi), énorme coquillage des fonds sableux, qui se mange en ceviche (conch salad), et dont la coque sert de déco

Hasta la vista Cuba

Après avoir fait un maximum de ravitaillement, ce qui relève de l’exploit ici ! Et le plein de gasoil (à 0,16 €/litre ça c’est bon!). Car aux Bahamas c’est difficile aussi et en plus très cher !!! nous quittons Santiago le 27 février, près de deux mois après notre arrivée.

Il y a 163 milles pour rejoindre Great Inagua, la première île des Bahamas. Nous avons prévu une escale à l’ancre dans une petite baie très bien protégée à 53 milles, pour attendre que la mer de l’après midi se calme, le lendemain devant être clément, c’est le créneau que nous avons choisi pour passer le réputé difficile cap entre Cuba et Haïti. Nous dépassons la baie de Guantanamo, « illégalement occupée par une base militaire US », c’est bien spécifié sur le formulaire cubain que nous signons à Santiago. Nous devons passer à six milles au large, ça fait un détour… En bons français, nos passons à un peu plus de cinq milles, sans interpellation, et mettons le cap sur l’entrée de notre baie, juste après. Mais alors que nous quittons la zone interdite, à la voile car la direction du vent le permettait, nous sommes rattrapés par un gros zodiac US armé, qui nous enjoint l’ordre de quitter la zone par le plus court! C’est à dire à revenir contre le vent et la mer, très gênante dans le secteur. Ils nous ont accompagné sur un mille, puis nous ont laissé prendre le cap sur la côte. Qu’ils sont taquins ces militaires !

En arrivant à l’entrée de la baie, on enroule le génois et on entre dans l’étroit goulet en surveillant bien les eaux peu profondes à droite et à gauche, et on voit le câble aérien non noté sur les cartes qui traverse l’entrée au dernier moment, trop tard pour l’éviter ! Heureusement un câble gainé, donc pas de court circuit, et pas de dégâts car on allait lentement, mais quand le mât a attrapé le câble, vers 14 m de haut, nous avons craint la catastrophe. Et aussi tintin pour la nuit passée au calme !!!

Bon ben on est repartis, pas d’autre abri possible, contre la mauvaise mer et le vent à 15/20 nœuds, moteur et patience, mauvaise nuit. Le matin a été plus calme et à partir de 13 heures nous avons pu enfin naviguer à la voile les 20 derniers milles.

la côte à l’ouest de Santiago, avec la sierra Maestra qui culmine à 1974 m

Et pour en finir avec Cuba, quelques photos : Photos