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Chez les indiens Kuna, peuple de la mer

Les Kuna ont acquis une réelle autonomie sur un grand territoire de la côte caribéenne du Panama : une bande côtière d’environ 180 km de long, avec toutes les îles coté mer et les premières collines. Interdisant toute construction ou industrialisation, ainsi que toute exploitation minière, il n’y a aucune route sur leur territoire (à ce niveau, il n’y a d’ailleurs pas de route reliant l’Amérique du nord à l’Amérique du sud). Ils ont conservé un mode de vie de pêcheurs cueilleurs agriculteurs assez proche de ce qu’on aurait pu observer il y a 2 ou 300 ans, les concessions au modernisme restant limitées. Ainsi la majorité des embarcations que nous voyons sont de petites pirogues creusées dans un tronc et dirigées à la pagaie, parfois à la voile,

mais ils ont quand même des moteurs, en particulier pour les transports entre les villages.

Un excellent article décrit l’histoire, les coutumes et les rapports au monde de cette étonnante communauté. Voir ici. Nous l’avons bien étudié avant de venir.

Nous abordons la côte panaméenne en traversant le golfe Darien après une navigation sous vent très faible, et contraire ! Des vitesses entre 2,5 et 3,5 nœuds, de rares pointes à 4 nœuds ! Ah, on a eu le temps de voir le paysage, qui d’ailleurs était vide d’oiseaux, de poissons ou d’autres bateaux ! Et la nuit, on est passé dans une grosse zone orageuse, et craignant de violents coups de vent, on a affalé les voiles et passé au moteur. La crainte sous ces orages, c’est la foudre qui pourrait occasionner la destruction de tout ou partie de l’électronique ou du circuit électrique.

A l’arrivée, une côte montagneuse et boisée, ourlée de nuages (on aborde la saison humide). Nous passons entre les îles et la côte, et nous voyons les premiers villages, de maisons de palmes sur des îlots très bas.

Nous posons l’ancre devant l’île de Pinos, où vivent 200 à 250 personnes. La fin d’après midi nous pensions avoir la visite du secrétaire du Sahila (chef du village) pour prélever l’impuesto, le droit au mouillage. Mais, personne. Le lendemain matin nous débarquons sur notre annexe toute neuve, et on déambule dans les ruelles sableuses du village, salués et hélés par les nombreux enfants, ravis de voir des étrangers. Les adultes sont réservés, répondent à nos saluts mais sans engager le contact. Les maisons sont de bambou et de palme, parfois avec quelques matériaux modernes.

Elles sont quasiment toujours entourées d’une palissade de bambous, plus ou moins perméable.

Quand on passe le long d’une maison on peut être hélé par une personne invisible, mais qui a vu passer les étrangers et veut discuter. Discussions en bribes d’espagnol, pour nous, parfois en anglais, avec, quand ils apprennent qu’on est français, un « comment allez vous » ! Eux parlent kuna et apprennent l’espagnol dans les écoles qui sont bilingues.

Après avoir réglé notre taxe de mouillage (10 $) nous nous arrêtons dans les mini épiceries, ça permet de parler un peu et aussi d’acheter des petits pains faits à la gazinière.

Le surlendemain nous quittons Pinos pour Ustupu, un gros village cette fois, qui occupe toute l’île. Le secrétaire du chef du village encaisse notre taxe et nous informe qu’ici nous pouvons nous promener et prendre des photos librement. Très forte densité de population, des enfants partout. Des écoles partout. Touts les bâtiments scolaires et les centres de soins sont en dur, financés par l’État.

Si les hommes sont habillés de façon banale, short et T-shirt + casquette, la plupart des femmes portent la tenue traditionnelle très colorée et ouvragée

dont les pièces maîtresse sont le mola, rectangles de tissu brodé rajouté à un bustier, et le winnie, sorte de construction en colliers de perles qui ornent les mollets et les avants bras. Depuis l’ouverture très progressive de cette société au tourisme, les molas deviennent une production artisanale de premier ordre

Cette vendeuse et ses filles nous présente fièrement ce tableau en appliqué de tissus. Les molas sont suspendus au dessus

Nous en avons acheté plusieurs, de l’ordre de 10 à 20 $ pièce selon la complexité de l’ouvrage.

Cette tenue est portée même pour aller travailler aux plantations ou pour les taches de la journée.

Les enfants, à l’école, portent un uniforme : pantalon long noir avec ceinture, chemise blanche et souliers pour les garçons, jupe bleue, chemisier blanc et soquettes montantes pour les filles ! Mais dans certaines îles on a vu des tenues traditionnelles simples pour les filles. Et en dehors de l’école, ils sont habillés comme tous les enfants !

Et nous retrouvons, avec les enfants, le contact très facile, tous nous disent bonjour. Les plus grands, jusqu’à l’adolescence, engagent facilement le contact, en espagnol ou avec quelques mots d’anglais.

Les prises de vue posent problème dans cette communauté : sur certaines îles elles sont interdites, ou soumises à une rétribution, sur d’autres elles sont libres, mais pour les personnes, il faut demander l’autorisation, et nous avons vu que ce n’est pas toujours accepté.

Les villages sont tous implantés sur des îlots de faible surface et entièrement occupés, avec juste la place pour quelque arbres, quelques places publiques dont celle réservée à la statue des héros de la révolution de 1925, qui leur a apporté l’autonomie.

à Ustupu, statue de Nélé Kantulé, un des leaders de la révolution

Chaque famille a un petit terrain entouré d’une palissade, à chaque fois qu’une fille se marie et que le couple s’installe dans la famille de la fille, on construit une nouvelle hutte. mais bien sûr le terrain n’est pas extensible, l’île non plus…! Donc au fur à mesure des mariages, et des naissances, la densité augmente.

On pousse la palissade pour une nouvelle construction

Pourtant nous n’avons pas vu de nouvelles implantations sur des îles voisines, ni sur le continent qui est complètement inoccupé, sauf quelques exceptions : terrain de foot, aérodrome…

Sur le continent, chaque famille a également un terrain dans les collines pour les cultures : le monte. Et dans la journée c’est un va et vient de pirogues, la plupart traditionnelles et sans moteur, entre le village et la terre pour rapporter les produits du terrain, mais aussi des matériaux : bois, sable, pierres, bambous et palmes.

Au passage, certains nous proposent des mangues, des cocos, des avocats etc, plus rarement du poissons, une fois des langoustines. On leur achète avec quelques dollars ou balboas, la monnaie panaméenne alignée sur le dollar US.

A Ustupu on a rencontré le facteur de pirogues. C’est simple : tu vas dans la forêt au « monte » (la montagne), tu coupes un arbre (certains ont une tronçonneuse, les autres à la hache), tu le rapportes au village et tu le creuses.

Nous passons ainsi de village en village, avec chaque fois de nouvelles rencontres, à terre ou au bateau. A Playon Chico, Arrnalpeïa est venue en pirogue avec ses enfants pour nous proposer des molas. On en a déjà acheté pas mal mais on se laisse tenter, de plus elle est sympa et se laisse photographier.

On prend rendez vous dans l’après midi pour qu’elle fasse un petit winnie à Babeth, les parures de perles que les femmes mariées portent sur l’avant bras et le mollet. Nous sommes reçus dans la famille, qui compte 20 personnes sur 3 générations.

Eux ont la chance d’être implantés au bord de l’eau, parce qu’au milieu du village ils sont plutôt les uns sur les autres, dans un dédale de ruelles très étroites.

Dans le village, c’est assez propre, mais les abords le sont beaucoup moins. Depuis toujours ils ont eu l’habitude de tout jeter à l’eau, mais depuis l’apparition de matières non dégradables, ça se gâte !

Il faut combattre le monstre Plastick !

Quelques dizaines de mètres séparent ces deux endroits ! Manifestement il y a une prise de conscience de l’urgence de traiter les déchets, mais le mal est fait. Les abords immédiats du village sont parfois un cloaque malodorant, et les petites îles inhabitées alentours sont couvertes de plastiques en tout genre… Malgré leur résistance, les Kuna se laissent quand même gagner par le rouleau compresseur du monde moderne et tous ses défauts : téléphonie, motorisation, consommation d’énergie… Le gouvernement du Panama finance une partie des infrastructures, écoles, centres de soins, aérodromes, ponts entre certaines îles, panneau solaire et batterie pour chaque famille… Même s’il y a une gros décalage entre le mode de vie kuna et celui des pays voisins, qui certes vivent dans la démesure (comparons les puissances des moteurs des petits bateaux : 3×300 CV pour des embarcations de loisirs contre 75 CV maxi pour les embarcations de transport de personnes ici, sur des bateaux sans cabine qui desservent les îles, et quasi tout le reste à la pagaie!), même si la simplicité est resté un mode de vie normal, même si l’on voit beaucoup d’activités collectives entre les habitants (sport co et autre), le smartphone gagne, on a vu les ados jouer dessus, toutes les micro épiceries vendent des sucreries et sodas aux fruits sans un gramme de fruit, le tourisme et ses perversions progresse. Une partie des jeunes part s’installer et travailler au Panama ou ailleurs et contribue à faire changer le monde kuna. L’autorité morale du village, le Sahila, édicte des règles qui régulent le mode de vie.

Dans chaque village il y a un congresso, grand bâtiment ou l’on se réunit pour traiter des affaires du village : le Sahila et ses assistants sont dans des hamacs au milieu de l’assemblée.

Selon son degré d’ouverture ou de traditionalisme, de modernisme ou de conservatisme, la vie peut être assez différente d’un village à l’autre, et l’accueil du voyageur n’est pas le même. Un bon exemple en est le degré de liberté pour prendre des photos. Mais les Sahilas n’empêcheront pas la petite société kuna de se transformer, moins vite que chez les voisins mais inexorablement, semble-t-il. Le déferlement de la « société plastic » et l’incapacité à gérer ce problème n’est qu’un exemple.

Un matin arrive la pirogue d’Armando, il vient nous demander de l’aider à réparer son harpon dont l’élastique (genre fusil de pêche) vient de lâcher, lui gâchant sa journée. On lui répare, tout en discutant. Sa pirogue a 30 ans, elle prend pas mal l’eau, il faut écoper sans arrêt ! Sa voile aurait besoin de nouveaux rapiéçages, on lui donne du fil (on n’a pas de tissu d’avance). Lui a 64 ans, toujours vaillant !

Après une semaine à passer de village en village en suivant le littoral, nous arrivons dans les San Blas proprement dites, avec des groupes d’îles répartis plus au large. Au contraire de ce que nous avons visité jusqu’à maintenant, c’est un secteur touristique : beaucoup de voiliers, dont sans doute une partie de charters, de petits établissements avec huttes d’hébergement et restos, alimentés par des lanchas à moteur qui amènent leur cargaison de touristes (panaméens ou autres, on a pas vu de près) à la journée de plage/cocotiers/langouste/baignade en eau turquoise.

Ces îles ne sont pas occupées par des villages mais certaines par des familles plus isolées qui vivent de la pêche

Ces pêcheurs font le tour des voiliers au mouillage pour proposer des langoustes, souvent trop petites.

… et quand même de la vente de quelques produits d’artisanat, molas, bracelets, et même pavillon de courtoisie kuna !

Nous sommes moins intéressés par cette partie du pays kuna, et … déjà fin mai ! Le lundi 23 nous partons donc vers le nord et entamons un long trajet éloigné des côtes, pas trop sûres, mais passant par des îles au large : la première : San Andres, Colombie.

Les Kuna, peuple de la mer ? Ils vivent sur des îles très plates, sont dépendants de leurs pirogues pour leur survie. Mais c’est aussi un peuple que la montée des eaux va menacer très vite…

Encore des photos sur le peuple kuna : un clic sur ce lien : « photos »

En route pour les San Blas… bis

Avant d’attaquer la traversée du golfe de Darien qui nous conduira aux San Blas , nous faisons trois étapes sur des petites îles de l’archipel du Rosario, classées «réserve naturelle…»

La première, proche de Carthagène, est blindée de structures touristiques et reçoit les catamarans et autres yacht pour des sorties à la journée. Bruit et fureur, le classique des fêtards des Caraïbes, fuyons !

La deuxième, bien que très touristique, est exempte de bateau à la journée et nous sommes hors saison donc la plupart des structures sont fermées . Nous mouillons et une barque avec moteur vient vers nous. Il y a un risque d’orage pendant le nuit et il propose de nous conduire dans la mangrove ou nous serons en sécurité. Nous le suivons donc pendant une bonne vingtaine de minutes au milieu du dédale des hauts fonds.

l’arrivée dans la mangrove

Arrivés à destination, il nous quitte sans rien demander et nous sommes obligés de la rappeler pour le dédommager de son essence. Ça fait du bien, c’est si rare une aide sans contrepartie !

Un bar sur un micro îlot

La dernière : isla de Fuerte est une sympathique surprise. Éloignée des centres touristiques du continent, elle possède bien quelques hébergements, fermés à notre passage, mais a pour le moment conservé un mode de vie propre aux îles habitués à vivre en relative autarcie .

Une bonne partie de l’île est occupée par de la « permaculture », évidemment pas nommée ainsi, il n’y a qu’en occident qu’on a inventé l’eau chaude !

Il y a aussi des cochons, des zébus, beaucoup d’ânes (petits), des poules et des coqs (avec leur arène pour les combats) et le long d’un étroit sentier qui dessert les cultures une jolie rencontre à hauteur de nos yeux :

l’aï, le paresseux à 3 doigts

L’avantage avec ces bestiaux, c’est que même avec un appareil photo basique, on a tout le temps pour faire la mise au point !

Le petit village est très animé. Après la sieste, certains se retrouvent dans les 3 bars du centre du village (en fait, quelques chaises en plastique devant la tienda où l’on vent de l’alcool). Avec chacun sa sono qui en nombre de décibels n’a rien à envier au pire des concerts de Métal ! Peut-être que l’électrification récente grâce à une centrale solaire flambant neuve leur à donné des ailes.

Dans chaque bar, un type avec une bouteille de rhum ou une bouteille de whisky offre des topettes à tout le monde et nous en fait profiter. On a été raisonnables et peut-être qu’ils ont été un peu déçus ! De toutes façons avec le niveau de la sono, on ne pouvait pas échanger un mot !

Prochaine étape : le comarca de Kuna Yala au Panama, en mode pirate … car nous avons décidé de ne pas faire les formalités de sortie de la Colombie (nous les ferons à San Andres, île Colombienne au large du Nicaragua) et de ne pas se déclarer au Panama. Région autonome du Panama, le territoire des Kunas a ses propres lois et tant que nous resterons sur ce territoire nous n’avons en principe rien à craindre des autorités Panaméennes.

Direction donc les îles les plus proches de la Colombie pour une remontée d’île en île vers le nord ouest dans une région totalement à l’écart des circuits touristiques.

En route pour les San Blas

Et ben ? Vous parlez pas de la Colombie ?

Bah si, mais une partie de notre séjour a été occupé à retrouver une annexe, tâche assez compliquée ici (en France en 2 jours et sur le bon coin on trouvait notre bonheur pour pas trop cher), tout ceci nous maintenant dans une morosité peu commune.

Santa Marta, une des grosses villes de la côte caribéenne (500 000 hab), dotée d’une des seules marina du pays, qui peut accueillir des bateaux de passage. Les autres bateaux présents sont essentiellement des professionnels qui emmènent leurs clients sur le plages alentours, avec des prestations plus ou moins sophistiquées. Une constante : alcool et musique à fond !

Passons sur la recherche d’annexe, infructueuse ici (si l’on excepte ceux qui essaient de nous vendre 3000 dollars leur dinghy pourri!). La ville est jolie, bien qu’assez sale et malodorante, assez touristique mais surtout fréquentée par des colombiens, qui viennent à la mer.

la plage à coté de la marina

il faut dire qu’on y était pendant la semaine sainte !

Il y a un petit quartier près du port où on ne trouve que des restos et bars plutôt branchés et très fréquentés, mais dès qu’on s’en éloigne on trouve la ville où les touristes ne mettent pas le pieds, avec des rues très commerçantes, encombrées et très bruyantes (les pip pip incessants des 2 roues et des voitures). Le rues sont bordées de magasins, et les trottoirs occupés par des micro commerces ou artisans réparateurs de tout.

réparateur de ventilateurs, un métier vraiment utile

L’architecture de style colonial peine à ressortir, sauf sur les quelques places

Et pas loin de Santa Marta se trouve la Sierra nevada et ses sommets à plus de 5700 m. On a trouvé à coté de Minca un super gîte perché dans ses contreforts pour aller se mettre au vert pendant 3 jours. Un vrai bonheur, l’emplacement du gîte sur une crête dans la forêt, les super repas bio et végétariens tirée de leur ferme à coté, la famille amérindienne Wiwa juste à coté, les oiseaux partout, la ferme à coté productrice de cacao et de café, et l’oubli des soucis !

petit déjeuner au balcon
colibri sous notre nez

Retour au bateau… trouver une annexe… on a bien une piste à Barranquilla, mais pas claire (revente d’annexes volées ? – prix assez élevés pour de l’occase pas reluisante). On part pour Carthagène où il y a plus de voiliers, plusieurs marinas, des magasins de matériel.

Le passage de cette partie de la côte colombienne, réputée difficile, se passe sans problème par un vent soutenu mais portant, et une mer modérée (quand on attend le pire, on trouve les mauvaises conditions acceptables!).

Cartagena

Assez surprenante au premier abord, puisqu’on ne voit que ces tours, de loin.

Mais il y a la ville historique, ancienne capitale de l’exportation des richesses de l’Amérique du sud vers l’Europe. Malheureusement pleine à craquer de touristes, de magasins à touristes et des vendeurs de rues que veulent te vendre leurs babioles (s’agirait-il de la bimbeloterie apportée par les blancs pour acheter l’or ?). Nous n’avons fait que 3 sorties en ville, ont 2 le soir quand la chaleur de la journée est un peu retombée. Il y a quand même dans les rues des vendeurs d’agréables jus de fruits frais, voire de coctelles, de la cuisine de rue, des spectacles de rue, tout ça bien agréable.

cuisine de rue
jus de fruits

A la marina de Cartagène, on a aussi pu re-nettoyer le réservoir de gasoil, encore une fois gagné par les bactéries, qui obstruent l’arrivée de gasoil au moteur, juste au moment où on en a besoin !!! (entrées dans les marina ou dans les mouillages)

dans le réservoir de gazole, les dépôts dûs aux bactéries
Néné et Vladi au nettoyage

et on a racheté une annexe, neuve, sans marque tellement ils en ont honte, faut croire, mais quand même chère (2 fois plus que la moins chère en France)

et un petit moteur Suzuki neuf de 2,5 cv, bon on testera ça dans les îles !

Le 6 mai, on part de Cartagena, pour quelques îles au sud, puis pour les San Blas, un chapelet d’îles peuplé par les Kunas, le long de la cote du Panama. Sans connexions internet.

En route pour la Colombie

Nous n’avons mouillé à Aruba, une des îles des Antilles néerlandaises (les ABC), que pour s’y reposer une nuit. Le mouillage est pourtant idyllique : bien protégé de la houle mais bien venté, et surtout en bout de piste de l’aéroport très actif, les avions qui atterrissent passent presque sur le bateau ! Pas loin des plages très bruyantes avec sono, de la route avec des abrutis font des runs en moto hurlante, et sur le trajet des bateau-taxis desservant un ressort sur l’île qui ferme la lagune, ne se gênant pas pour passer tout près du bateau, le faisant danser joyeusement… Ceci dit la nuit a été tranquille.

Le nord de cette île est couvert d’importantes infrastructures touristiques tandis que le sud est très industriel, avec entre autres une grosse raffinerie… abandonnée ! A t-elle subi le même sort que celle de Curaçao, construite par Shell pour raffiner le pétrole vénézuélien, puis rachetée un dollar symbolique par Curaçao – à priori à cause de gros problèmes de pollution – et ensuite exploitée par le Vénézuela jusqu’en 2019, date à laquelle les américains ont torpillé le renouvellement du contrat dans le cadre du blocus de ce pays, laissant sur le carreau un millier d’ouvrier. Le Vénézuela a beaucoup de pétrole, mais n’en raffine que peu ou pas sur son territoire et se trouve du coup dans une situation de pénurie qui renforce la situation dramatique de ce pays, qui doit trouver des fournisseurs comme l’Iran, qui contournent le blocus américain ! (NB : les raffineries des ABC sont à 50 km de la côte vénézuélienne!)

la raffinerie de Curaçao, à l’arrêt, vue depuis le bateau à la marina. Au moins ça pue pas !

La côte colombienne est réputée difficile, à cause de conditions météo plus sévères qu’ailleurs et d’une mer qui peut devenir très mauvaise, dans certaines conditions. D’après les textes que nous consultons, il vaut mieux partir par petit temps, mais nous scrutons la météo depuis longtemps sans voir arriver ces conditions favorables. Nous avons décidé de partir quand même, le vent portant étant moins pénible, le trajet jusqu’au Cabo de Vela étant assez court, 130 milles soit environ 24 heures, si c’est difficile ce ne sera pas trop long…

Nous partons en tout début d’après midi, vent arrière de près de 30 nœuds (20 annoncés), sous voilure très réduite, grand voile à 3 ris et génois sur tangon bien arrimé pour que rien ne bouge, on avance quand même à 8 nœuds !

La mer n’est pas mauvaise, les vagues, même courtes et un peu abruptes viennent bien par l’arrière et tout se passe bien. Le vent faiblit peu à peu, et au coucher du soleil nous n’avons plus que 20 à 23 nœuds, les vagues nous viennent bien un peu sur la hanche donc ça roule mais on a eu pire.

Pendant la nuit le vent a encore faiblit si bien qu’on n’avançait plus qu’à 4 nœuds, et au petit matin on avait déroulé le génois en entier (la grand-voile restant arrisée au maximum pour ne pas se compliquer la vie). Pendant une période la mer a semblé plate, bref tout bon ! Le vent a repris du poil de la bête en milieu de matinée, on a peu à peu réduit le génois, toujours sur tangon, pour finalement retrouver un vent arrière de 30 nœuds et même plus dans les rafales, mais tout est sous maîtrise (les vrais marins vous diront que 30 nœuds, c’est pas du gros temps, nous on préfère moins).

quelques photos « en pleine mer » ne font pas de mal (de mer)! Remarquez que le pilote fonctionne !

On tourne le Cabo vers 16 heures et on met le moteur pour remonter le vent et s’approcher du mouillage dans une immense baie… mais, bientôt ça ratatouille, le moteur ne marche plus qu’au ralenti ! Et n’a pas assez de puissance pour remonter le vent, qui nous entraîne loin de la côte ! Bon, bien qu’à ½ mille du rivage les fonds sont encore hauts et on peut jeter l’ancre, le bateau s’arrête mais le clapot généré par le vent est assez important. Assez découragés par ces problèmes de moteur (neuf!), on se pose un peu – rangement, bière, analyse de la situation – et on regarde pourquoi ce bourrin ne veut plus travailler. Cause trouvée : une petite boulette de saloperie dans la tuyauterie du pré-filtre à gasoil !!! Grrrr ! Le réservoir a été vidé et nettoyé par des pros à Trinidad ! Bon, nettoyage, un filtre neuf et ça marche. On relève donc le mouillage pour s’approcher du rivage et on jette l’ancre dans de meilleures conditions à 200 m du rivage, on ne peut aller plus près par manque de profondeur supposée.

Nous sommes en territoire colombien, à l’extrémité de la péninsule de Guajira, chez les Wayuu. Une région isolée mais qui s’ouvre de plus en plus au tourisme «  d’aventuriers … »

Des pêcheurs circulent dans le secteur et nous proposent leur pêche, le premier jour nous leur prenons une belle bonite et le deuxième une langouste, payés avec quelques pesos que nous avions et quelques dollars.

(le cours du peso colombien : 1 € = 3750 Pec, 1 million de Pec = 244 €)

Les pêcheurs ont soit très peu de moyens, et se servent des petites barques traditionnelles taillées dans un tronc, sans moteur, soit de barques plus grandes (4 à 6 m) équipées d’un antique moteur in-board monocylindre, poum poum poum, et rarement d’un hors-bord moderne.

une barque-tronc

Nous allons faire un tour à terre, traversant le hameau près duquel nous sommes ancrés, presque toutes les maisons donnant sur la mer ont été très récemment transformées en hébergements rustiques, très rustiques pour touristes. La péninsule du Cabo est très sèche, désertique même, mais on y trouve des chèvres et des moutons, en liberté. Ça change des ABC !

Plus loin dans la baie, c’est un spot de kiteurs, avec 2 ou 3 écoles de kite-surf, et plein de petits restos et posadas qui se partagent une maigre clientèle (on est hors saison?) en offrant la pêche locale. Une rue principale en terre,

des constructions légères la plupart en palme, mais la tôle est présente de même que la parpaing.

le spot de kite, les vendeurs d’artisanat local, sacs et bracelets brésiliens , – la mère et le gamin – et, remarquez, notre annexe…

La nuit suivante, on nous vole notre annexe attachée derrière le bateau ! (avec le moteur et la nourrice). La veille on avait oublié de la cadenasser comme d’habitude, à la fois insouciance et confiance dans l’atmosphère bon-enfant du pueblo. Là, c’est la grosse tuile ! On ne peut plus aller à terre, l’annexe est le complément indispensable du voilier, à moins de n’aller que dans des marinas, ce qui est inenvisageable ! Nous hélons des pêcheurs de passage, qui nous emmènent au pueblo pour aller demander l’aide de la police. Et après avoir passé une heure au poste (un tout petit poste mais grand pour l’importance de la population – on est en Colombie pas bien longtemps après une longue et horrible guerre civile), puis déambulé dans le village pendant quelques heures, en racontant notre mésaventure à droite et à gauche, on se fait ramener au bateau, pour attendre…, le moral dans les chaussettes, bien sûr !

En sept ans, c’est la première fois qu’on nous vole quelque chose, mais là c’est fort ! Et ça nous coûtera encore une blinde, même si on rachète moins gros (et moins bien), et encore, si on trouve, à Santa Marta, l’étape suivante. Sinon à Carthagène…