Concernant la forêt, il y a bien sûr la laurisylve, la forêt de lauriers ou plutôt de lauracées, vedette incontestée. Composée principalement de Laurier des Canaries Laurus novocanariensis, de Laurier fétide Ocotea foetens, de Barbuzano Appolonias barbujana, d’Acajou de Madère Persea indica, qui sont de vrais arbres, plus tout un cortège d’autres arbres et arbustes.
La laurisylve de Macronésie (= les îles de l’Atlantique : Madère, Canaries, Açores, Cap vert) est un habitat qui existait autour du bassin méditerranéen avant les glaciations, et ne subsiste qu’ici : 150 km2 à Madère (16 % de l’île) un peu aux Canaries et un tout petit peu aux Açores.
En fait cette forêt couvrait presque toute l’île avant la colonisation par l’homme, qui l’a fait reculer par le feu et le pâturage. Il n’en reste que quelques beaux lambeaux, dont la survie a été assurée par un relief rendant une partie du territoire inaccessible. Et même dans ces parties, on a construit des levadas (canaux pour récupérer et acheminer l’eau vers les cultures), puis des routes, des circuits touristiques…
… et on y a introduit d’autres espèces végétales. On peut croire se promener dans une forêt primaire, jusqu’à ce qu’on tombe sur un platane ou un châtaigner !
C’est donc pour nous quelque chose de nouveau et d’unique en Europe, et de fortement dépaysant. Ces forêts sont très denses et très sombres, donc avec un sous bois réduit, très esthétiques aussi avec des arbres souvent tordus qui vont chercher la lumière par des moyens détournés, comme le font souvent les bruyères arborescentes géantes.
Les lauriers font le plus souvent 15-20 cm de diamètre, mais on trouve de 35-40 cm de temps en temps, et sûrement des plus gros dans des situations particulières. Les hauteurs des arbres sont de l’ordre de 15 à 25 m classiquement.
Ça a donc bien l’aspect d’une forêt, mais rien à voir avec de la forêt tropicale. Les différents lauriers sont à feuilles persistantes vert foncé vernissées. Je n’ai pas appris à les reconnaître, faute d’un guide précis.
Celui-ci est facile à reconnaître, tant qu’il est en fleurs. Mais il n’appartient pas à la famille des lauriers, il les accompagne.
Très agréable à l’œil également est la richesse en espèces de fougères, présentes dès qu’il y a un peu de lumière ou d’humidité sur les parois rocheuses (voir article précédent).
On a parfois trouvé des fougères arborescentes (au centre sur la photo dans un puits de lumière), sans réussir à savoir si elles sont indigènes. En tous cas cette ombelle de feuilles au bout d’un tronc qui peut atteindre plusieurs mètres est magnifique.
La laurisylve est l’habitat de prédilection d’un pigeon endémique, le Pigeon trocaz Columba trocaz, dont on entend souvent le chant grave et rauque, qui n’est pas sans rappeler le cri du singe hurleur en Guyane, dans la même tonalité mais sans la force brutale et sauvage de ce dernier. Bon, finalement, rien à voir !
On y rencontre très souvent aussi le Pinson des arbres, une sous espèce locale,
et le Roitelet de Madère Regulus maderensis, il y a peu considéré comme une sous espèce de notre Roitelet triple bandeau. Pas de photo de cet oiseau minuscule, sans cesse en mouvement dans le sous bois sombre. Pourtant, comme le pinson, il est peu farouche et quand on est patient, il s’approche très près (à 50 cm de mes yeux dans les feuillages) en demandant de son petit sifflement : mais qu’est-ce qu’il fait, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui là ?, à quoi je réponds effrontément et avec à propos : ben et toi ? Car à mon âge, je me permets de tutoyer amicalement les oiseaux.
Depuis que l’homme a envahi l’île, il y a apporté des espèces européennes pour sa subsistance, la laurisylve ne fournissant pas de fruits : châtaignier, noyer, cerisier, figuier et autres fruitiers. Puis des espèces pour fournir du bois (je n’ai pas d’infos sur la qualité des bois de la laurisylve) : pin maritime, douglas, eucalyptus. Ce dernier fait des bois magnifiques, mais a tendance à tout envahir et alimente des incendies incontrôlables, dont on voit des traces partout.
Le douglas a été planté en altitude sur des terrains moyennement pentus, on voit de belles futaies, un peu éclaircies. Bon, ça change pas des Cévennes, quoi ! Le pin maritime du Portugal, on en trouve un peu partout, parfois plus ou moins mélangé à la laurisylve. On trouve aussi des essences à but plus ornemental, le long de routes ou de chemins, comme le platane, le Cryptoméria du Japon, des pins américains, un mimosa, du cyprès etc.
Coté flore, on annonce 760 espèces sauvages, dont un fort pourcentage d’endémiques (140 esp.). Ce qui peut paraître peu, par exemple la flore des causses compte au moins deux fois plus d’espèces (2000 dans la flore de Bernard), mais il faut se rappeler que ces îles sont assez éloignées des continents et peuplées récemment. L’homme a d’ailleurs largement contribué à enrichir la flore locale d’espèces exotiques, européennes, africaines etc. Il faut avoir un vrai bouquin de botanique pour savoir de quoi on parle. Au nombre des introduites on compte des agapanthe, hortensias, fushias… que l’on retrouve le long des levadas en pleine forêt « primaire » !
Également vers les sommets déboisés de grandes étendues de genêt à balais ou d’ajonc d’Europe, qui jouxtent des formations denses à bruyère à balais, et il semble bien que tout cela brûle régulièrement.
Arrivés un peu tard en saison, nous n’avons certainement pas pu découvrir la flore sauvage comme nous l’aurions désiré, mais on ne peut être partout à la fois !
Quelques plantes identifiées rencontrées ça et là :
En fait quand tous les dépliants touristiques et nombre de sites internet parlent de la flore de Madère, il s’agit surtout de celle des nombreux jardins botaniques créés et souvent magnifiquement entretenus par les municipalités, les hôtels et de nombreux propriétaires de jardins de toute taille !
Coté faune c’est, sauf exception, assez pauvre et plutôt banal, si l’on en juge par les oiseaux fréquemment rencontrés : Pinson des arbres, Rouge-gorge familier, Merle noir, Fauvette à tête noire, Faucon crécerelle, Bergeronnette des ruisseaux, Héron cendré… 48 espèces nicheuses, dont 11 marines (pour donner un ordre d’idée même si ce n’est pas bien comparable : 160 espèces nicheuses en Lozère et un total de 317 espèces recensées – source Alepe 2018). Attention, ici ce sont quasiment toutes des sous-espèces locales, donc pour nous des « coches » (une première). En dehors de ce caractère, peu d’originalité donc, sauf le P. trocaz, le Pipit de Berthelot et le Martinet unicolore. Une seule espèce un peu exotique : l’Astrilde ondulée, introduite d’origine subsaharienne.
Rapaces : Buse variable ssp harterti, crécerelle ssp canariensis, épervier ssp granti, effraie ssp schmitzi.
Par contre chez les 11 oiseux marins, hormis la Sterne pierregarin et le Goéland leucophée (ssp atlantis), très visibles sur le littoral,
il y a plusieurs espèces à citer pour les mordus : le Pétrel de Madère Pterodroma madeira, qui se croit malin en ne nichant QUE dans la montagne à 1800 m d’altitude, le Pétrel des Desertas Pterodroma desertas, endémique de cette île, le Pétrel de Bulwer Bulweria bulwerii, dont j’ai entendu le cri d’un jeune nichant dans un tas de cailloux sur la grève des Desertas, l’Océanite de Castro Oceanodroma castro et l’Océanite frégate Pelagodroma marina hypoleuca.
Tous à voir en mer, pas facile, pour l’instant de ces oiseaux rares on n’a vu que le Bulwer, mais j’ai pas dit mon dernier mot. Le plus courant est encore le Puffin cendré Calonectris diomedea borealis.
Pour finir sur les oiseaux, comme l’archipel n’est pas sur une voie de migration, il y a peu de migrateurs de passage, sauf accident.
Chez les mammifères : rien ! Si, la souris, le rat, et quelques animaux domestiques revenus à la vie sauvage, et je ne connais que le cas de la chèvre sur les Desertas. Cela rend les forêts un peu désertes !
Reptiles : un seul représentant, mais très présent partout ! Une sous-espèce par île.
La plus grosse partie de la biodiversité à Madère est fournie par les insectes, araignées, mollusques et autres bestioles pour lesquelles on est très incompétents ! Un mention spéciale toutefois à ce célèbre papillon américain qui a été dérouté par des tempêtes lors de ses migrations, et qui s’est acclimaté sur l’île !
Pas en grand nombre mais on en a vu assez souvent, en ville comme à la campagne et en forêt. C’est peut-être un cas unique, aucun autre migrateur (oiseau) de passage occasionnel n’a souhaité rester sur l’île. Ou les autres l’en ont dissuadé. Les animaux sauvages ont-ils des comportements semblables aux nôtres ? Vous avez 4 heures.
Voilà ! Ça fait quand même une étape très sympa entre Europe et tropiques, et en plus avec des paysages dignes de… Et une biodiversité relativement faible, je serai incapable faire le même exercice au Brésil, si ça s’arrête de brûler, ou en Guyane !