Archives de catégorie : 2021 1 Cap Vert : Mindelo, San Antao, Brava, Fogo,Santiago

L’île de feu

Ah, en fait, l’île la plus impressionnante est peut-être Fogo ! L’île volcan, toute ronde, un énorme volcan, 2829 m d’altitude. En haut, un immense cratère dont le fond est plat, habité et cultivé.

28 éruptions en 500 ans dont la dernière en 2014-2015. Elle a duré 77 jours et, si elle n’a pas fait de victimes, les coulées de lave ont détruit une bonne partie des villages, des cultures, des infrastructures.

le village de Portela, dans la caldeira (cratère)

Le spectacle de cette coulée de lave, maintenant figée en plein mouvement mais dont on imagine très bien la progression inexorable et destructrice, est poignant.

la lave s’est arrêtée juste avant de détruire complètement cette maison. En arrière une reconstruction en moellon de ciment

Les habitants ont été évacués et le gouvernement ne voulait pas qu’ils se réinstallent dans cette zone si exposée. Mais c’est sans compter sur la résilience Cap-verdienne : sur les 1300 déplacés plusieurs centaines sont revenus, ont creusé à la pioche la lave à peine refroidie pour dégager leur maison ou reconstruire par dessus, sur le modèle rond traditionnel ou de façon plus classique.

ça évoque les yourtes ! Mais c’est bâti en pierre de lave et le toit est maintenant en torchis ou ciment sur une charpente. Celle-ci a été épargnée de justesse par le torrent de lave, juste derrière. Au premier plant, le sol « normal », en scories, des éruptions précédentes.

La pouzouolane de la caldeira permet la culture de la vigne qui produit un vin réputé localement (et cher…) ainsi que quelques arbres fruitiers (petites pommes, figues…), et le tourisme est une ressource importante.

pas besoin de désherbant !

Bon là, covid oblige, on était les seuls sur la caldeira et José chez qui nous avons logé, se désespérait comme beaucoup d’autres de l’absence totale de touristes. Sans aide gouvernementales, la survie est précaire.

le gîte de José est construit de ses mains en pierre de lave, et décoré de ses sculptures.

L’école détruite est provisoirement installée dans une maison épargnée, et au matin on assiste au spectacle étonnant de ces enfants surgissant de partout, petites taches colorées sur le noir de la lave.

Spectacle faussement rassurant de la vie qui continue, dans cet endroit où tout le monde sait que la catastrophe se reproduira ! Au final cela nous laisse une forte impression mêlant effroi rétrospectif et admiration envers ces habitants de la Caldeira, acharnés à survivre dans cet environnement à la beauté brutale, mais qui peut devenir si hostile.

L’autre découverte sur cette île est la culture du café, ici en mélange avec les bananiers voire d’autres plantes, dans la zone des brouillards entre 500 et 700 m d’altitude au Nord-est de l’île. On est juste au début de la récolte, les fruits rouge sombre sont encore sur les plants, mais certaines terrasses accueillent déjà les grains pour les sécher au soleil.



Revenus à la route au pied des parcelles, nous trouvons une classe d’une école du village de la côte, en sortie scolaire, en train de danser et chanter sur le parking. Nous nous asseyons sur le muret, au spectacle. Les enseignants leur font chanter Bom dia (bonjour), les enfants sont ravis d’avoir un public. Et nous aussi !

Mais les bonnes choses ont une fin et le transport scolaire arrive : un aluguer ou hiace « normal » équipé 15 places (chez nous le même modèle est un 9 places), mais… toute la classe va y tenir, 35 bambins, plus 6 adultes enseignants et 2 chauffeurs !

Nous prenons 3 adultes dans notre voiture de location pour les redescendre à l’école.

Hormis la zone des caféiers, le reste de l’île a souvent des allures de savane, de plus nous sommes en saison sèche. Mais en bas du volcan , les pentes sont raisonnables et on trouve souvent des cultures, maïs, haricots, et un peu d’élevage.

Et on a la surprise de voir çà et là des baobabs, dont certains très gros.

Et dans cet environnement :

le martin chasseur à tête grise, enfin photographié grâce au nouvel appareil photo. Quand il s’envole il découvre de larges parties du même bleu éclatant que chez nos martin-pêcheurs.

Fogo et Brava ont des relations étroites avec l’est des États-Unis où une diaspora Cap-verdienne est installée, à l’origine en s’embarquant sur des baleiniers américains pour fuir la famine.

Pas mal de grosses motos : symboles du rêve américain ?

Sao Philipe, la capitale, recèle de belles maisons coloniales. Nous avons du y rester pour faire le test covid nécessaire pour rentrer sur Brava.

Brava où nous avions laissé Nocciolino, bien ancré et tenu par une ligne à terre dans le petit port de Furna, sous la garde de Tcha. C’est la plus petite des îles habitées, 8 km environ de diamètre, la moins peuplée et la moins fréquentée par les touristes. Nous y avons passé quelques journées très agréables, avec quelques belles balades et des rencontres sympathiques. A la saison des pluies, en automne, c’est « l’île verte », mais en cette saison ne ressortent que les fleurs d’hibiscus, dans les jardins ou en haie dans la campagne.

Furna est le seul port de l’île, et accueille le ferry. C’est un village de pêcheurs, mais qu’arrive un petit cargo et tous cherchent à se faire embaucher pour la main d’œuvre. Les seuls magasins, assez nombreux cependant, sont de toutes petites épiceries, sans enseigne ni vitrine.

Le 16 mars nous quittons l’île pour joindre notre dernière étape au Cap Vert, Santiago. Un peu plus tard, nous passons les 20 000 milles ( ~37 000 km ) depuis le départ du voyage.

20 000 milles, vitesse 4.7 nœuds, à 8.55 milles du départ ce matin, cap 107.2 degrés

Champagne ! Ah, on n’en a pas, et il n’est que 8h30… café, alors !

Déjà mars, toujours au Cap Vert !

Et pas un mot sur Santo Antao, la plus impressionnante des îles de l’archipel. Le 12 janvier, Nina la fille de Babeth est venue nous rejoindre pour une quinzaine de jours. Ensemble, nous avons pris le ferry de Mindelo pour Santo Antao, car y aller en voilier est trop problématique.

Tous ceux qui y sont allé nous ont averti : les randos sont très raides et longues, et craignant pour nos articulations, nous avons loué une voiture pour sillonner l’île et faire des balades plus courtes.

A part son relief vertigineux, c’est la production agricole qui est impressionnante : certaines vallées reçoivent assez d’eau pour pouvoir cultiver tout ce qu’on veut, à condition d’avoir au préalable aménagé des kilomètres de terrasses sur les pentes abruptes.

Toute parcelle à peu près accessible et susceptible d’être irriguée (eau conservée dans des bassins et redistribuée par gravité dans des rigoles, et maintenant de plus en plus au goutte à goutte par des tuyaux) est exploitée, moyennant quoi l’île est pourvoyeuse de légumes (pois, choux, tomate, patate douce, igname, courges…) et de fruits (papaye, banane, …) pour une partie du Cap Vert. Et j’allais oublier la canne à sucre, pour le rhum (grog) sur une proportion non négligeable de la surface.

canne à sucre et bananiers

Puis Babeth repart en France pour trois semaines, je reste sur le bateau, au mouillage à Mindelo.

au mouillage dans la grande baie de Mindelo

Mes envies de navigations vers d’autres coins sont très limitées par une météo peu propice et des conditions de mer et de vent toujours exacerbées entre les îles. Ma seule sortie : passer sur le coté ouest de Santo Antao pour un mouillage calme devant le village de Tarafal (il y a beaucoup de villages de ce nom dont l’origine est le tamaris), pour changer d’air et nettoyer un peu la coque dans une eau plus propre que celle de Mindelo. Mais le retour a été raide, contre le courant entre les îles et un vent « de couloir » de 35 à 40 nœuds !

D’autre part, les échanges avec les équipages d’autres bateaux sont très riches et nous enracinent dans cette petite communauté très particulière et très variée que sont les voyageurs en voilier.

La rencontre la plus originale est l’arrivée ici de Tara, célèbre goélette française de 36 m dédiée à la recherche scientifique en écologie marine. Mindelo était pour eux l’escale technique entre Lorient et Punta Arenas au sud du Chili. Un soir la moitié de l’équipage de Tara s’est pointée sur un voilier ami où l’on finissait un apéro de départ, vers 1 h du mat, ah ben oui les bars fermaient en ville ! Et nous avons bien discuté.

A Mindelo nous rencontrons bien sûr beaucoup de cap-verdiens, dont une partie parle français, mais en tant que quasi seuls touristes à cause du covid, les équipages des voiliers de passage sont très sollicités pour acheter poisson, légumes, ou services en tous genres, ou de la mendicité.

dans la rue, fabrication de bracelets pour Leïla et Célestin

Nous avons par exemple pu trouver grâce à un de ces démarcheurs un artisan pour refabriquer certaines pièces en inox pour le bateau.

Il y a aussi une communauté d’africains de l’ouest spécialisée dans la confection. Toutes les couleurs de l’Afrique !

Le 23 février, Babeth est de retour (avec plein de cadeaux… genre saucisse sèche, fromage d’Auvergne !), et, enfin, l’appareil photo laborieusement commandé d’ici et impossible à recevoir autrement.

Le 2 mars, nous partons pour les îles du sud, en commençant par Brava, la plus petite et la moins fréquentée de l’archipel. Test covid, pleins d’eau et gazole, et 24 heures de traversée.

gecko du Cap Vert