Le département est couvert à 80 % de forêt tropicale humide, non perturbée pour l’essentiel. Pas « primaire » car les amérindiens l’ont toujours pratiquée et utilisée, mais à très faible degré. Actuellement il n’y a quasiment aucune route à l’intérieur du département, la population se concentre sur le littoral et un peu le long des fleuves, avec la pirogue comme seul moyen de déplacement. Et effectivement ce qui est frappant quand on se déplace en avion à basse altitude (sur les lignes intérieures), c’est la continuité du manteau forestier : immense, à perte de vue, et quand on sait qu’il s’étend au delà de nos frontières, on se sent petit.
Quasiment pas de trouée, sauf le long des fleuves où l’on découvre des défrichements à but agricole (les abattis) ou des chantiers d’orpaillage (autorisés ou clandestins)
Cette continuité a un autre effet : quand on est en forêt, on ne voit rien d’autre, les points de vue sont très rares, ils doivent combiner un relief particulier et une trouée due à un chablis (= chute d’un ou plusieurs arbres, créant une clairière)
On peut aussi voir la forêt par le fleuve, mais sauf implantation humaine, on a en face de nous un mur végétal, pas vraiment accueillant !
Pour entrer dans la forêt, on emprunte des sentiers tracés et entretenus, et hormis sur la seule largeur de ce sentier, on peut se sentir en forêt « vierge », ce qui n’est jamais le cas en Europe occidentale. Et l’abondance végétale combinée à notre connaissance de la situation fait qu’on se sent petite fourmi !
Cette abondance végétale est d’ailleurs très bien répartie sur la hauteur, la canopée avec des grands arbres de différentes hauteurs captant une bonne partie de la lumière, puis les arbres secondaires et les jeunes arbres qui cherchent à faire leur place captent leur part, plus bas les arbustes, arbrisseaux et les jeunes pousses se disputent le reste, au final il n’y a que 2 % de la lumière qui arrive au sol ! Et le sous bois est de ce fait très peu dense, rien à voir avec par exemple avec un sous bois dense et impénétrable de buis sous pinède !
On sait pas les présentations que la forêt de Guyane recèle une biodiversité extraordinaire : pour les arbres forestiers plus de 1000 espèces, contre environ 35 en métropole (en ne comptant que les autochtones). On peut trouver potentiellement jusqu’à 200 espèces différentes sur un hectare, contre une dizaine chez nous en forêt riche. Mais c’est une donnée difficile à appréhender. On ne voit que le pied des arbres, avec des enracinements particuliers, des écorces reconnaissables, parfois leurs fruits à terre, ou leurs feuilles, mais il manque les fleurs, l’époque de floraison pour pouvoir les reconnaître.
Les fruits et graines trouvées à terre :
On se contente donc d’admirer, de s’immerger, de ressentir. Certains arbres sont énormes (1 à 1,50 m de diamètre), montent très haut (50 à 60 m), tout droit. Les photos d’arbres sont difficiles à réaliser. Une petite vidéo est plus parlante !
Il y a aussi les lianes, qui s’enroulent, montent, descendent, enchevêtrent, étranglent !
Et les épiphytes, plantes qui poussent sur les autres, mais surtout dans la canopée (dont un certain nombre d’orchidées). On ne les voit que très peu, sauf sur des arbre isolés.
Tout ça vit et meurt à un rythme assez rapide : dès que les arbres atteignent une certaine dimension, ce qui sous ce climat chaud et humide vient assez vite, les termites
et les champignons les colonisent, les affaiblissent, et à l’occasion d’une bonne pluie qui surcharge considérablement leur feuillage, un coup de vent les déséquilibre et fait tomber les grosses branches, ou l’arbre entier, entraînant parfois les voisins liés par des lianes traîtresses ! C’est le phénomène de chablis, qui crée ainsi une clairière dans laquelle la lumière permet aux plantules et jeunes pousses de se précipiter vers les cimes, avec l’abri latéral des autres arbres. La forêt se régénère ainsi, à un rythme moyen de 1 % de la surface par an.
Ces chutes de tout ou partie d’arbres sont d’ailleurs un des principaux dangers en forêt. Lors de nos sorties nous en avons entendu plusieurs fois, de ces gros craquements inquiétants ! Et quand un chablis impacte un sentier, il faut parfois faire un bon détour, au risque de se perdre (2ème risque important en forêt!).
Et à part les arbres, que voit-on ? Et bien malgré cette soit-disant biodiversité extraordinaire, on ne voit presque aucun animal. On entend les oiseaux, tout là haut, bien cachés par les milliards de feuilles, on entend des grenouilles, sans les voir, en tout cas si elles ne sautent pas devant nos pieds !
Au niveau du sol, tout est camouflé, et sauf pour certains papillons, les couleurs vives sont réservées aux cimes !
Nous avons quand même eu la chance de tomber sur un groupe d’atèles, singes de taille moyenne vus aux jumelles, sur un groupe de hurleurs de Guyane, juste au dessus de nos têtes, un des singes les plus démonstratifs par leurs hurlement sinistres, et sur des saïmiris, petits singes aux mains jaune d’or.
Les animaux les plus nombreux de la forêt sont les fourmis et les termites, sans compter les guêpes, mouches moustiques et divers trucs qui peuvent te piquer, mordre, sucer, parasiter, faire sortir des boutons, plaques rouges, infections, maladies… Mais on a survécu !
Ces étonnantes fourmis-manioc découpent des feuilles et les transportent parfois de très loin, en créant de véritables routes, pour alimenter leurs champignonnières, dont elles se nourrissent.
Pas vu de serpent* ni de mygale ni de jaguar, mais nos incursions dans la forêt ont été très courtes, on aurait encore tant à découvrir !
*Si ! ce magnifique Philodryas viridissima surpris à traverser la piste alors qu’il devrait être dans les branchages, bien camouflé dans les feuilles vertes ! (merci à l’ami Philippe Gaucher pour l’identification !)
Wwoouuaaa ! Superbe article et superbes photos !! Ça me donne trop envie de découvrir cette région !
magnifiques les photos des grenouilles sur les feuilles§!!!!