Les Monach et St Kilda

Nous décidons de partir dans l’Atlantique !

Après avoir renoué avec les Hébrides extérieures, pénétré des lochs aux entrées compliquées mais à la protection totale, nous sommes attirés par les iles exposées encore plus à l’ouest. St Kilda est un archipel à 50 milles des côtes, en plein océan ! Mal famé car le climat y est rude et la mer déchainée ! Mais c’est un site fantastique à plus d’un titre, présenté comme un défi pour les plaisanciers. Une fenêtre météo s’ouvre, un vent tranquille dans le bon sens pour y aller, puis du temps calme pendant 3 jours : on y va ! Nous partons d’un mouillage dans le sud des Hébrides, près de Barra. Il y a très peu d’abris le long de la côte ouest, ce sont d’immenses plages de sable blanc exposées aux tempêtes de l’Atlantique. Nous joignons les Monach islands, un petit archipel pas loin des côtes, après 35 milles de bonne navigation sous le soleil, bien que le vent soit tombé sur la fin. Les Monach offrent un abri relatif, correct par temps calme. Le temps que l’on tourne un peu pour jeter l’ancre puis mettre l’annexe à l’eau, on a alerté des dizaines de phoques, qui observent nos manœuvres

77 Monach islands 03

Ce sont des îles toutes plates (sommet à 17 m), désertes actuellement mais qui ont été habitées par une communauté d’éleveurs pêcheurs. Il reste les ruines d’un village, l’école a été retapée et sert aux pêcheurs qui viennent y faire de courts séjours, et aussi pour s’occuper d’un troupeau de moutons à laine brune. Dans une autre maison retapée, une petite expo bien faite relate la vie de ces îliens jusqu’en 1948 où elle a été abandonnée, ainsi que les particularités de la faune et de la flore. Une particularité de taille : on a ici l’une des plus grosses colonies de phoques gris d’Europe, avec 9000 naissances chaque année. Mais la saison de reproduction n’a pas encore commencé.

Il nous reste de ces îles un souvenir particulier, lié à leur originalité, à leur histoire, au temps doux, à la présence insistante des phoques, le relief ondoyant du machair (formation végétale sur sable dunaire enrichi du calcaire des coquillages des plages) …

machair
les ruines du village sur le machair de Monach

Le lendemain on part pour St Kilda, 35 milles encore sous le soleil. On ne voit l’archipel qu’au dernier moment car les nuages jouent avec.

78 S Kilda 04

Une fois à terre c’est l’étonnement : des centaines de huttes de pierre chapeautées d’herbe construites par les habitants des siècles derniers, dans un espace librement pâturé par une espèce de mouton endémique et très ancienne, d’ailleurs proche de notre mouflon.

78 S Kilda 16

Plus des murs, des ruines de « blackhouse », maison rudimentaire sans cheminée ou le feu de tourbe se consumait directement sur le sol, aux murs très épais sur lesquels reposait un toit de chaume, très sombre et malgré tout utilisée jusqu’à la fin du 19 ème siècle, des parcs à moutons…

78 S Kilda 31

Ces huttes ou cleits sont en fait des lieux de stockage de tout ce que les îliens récoltaient et conservaient pour la mauvaise saison : tourbe pour le chauffage, grain, viande de mouton et d’oiseau, poisson, huile, plumes…

Un de leur principaux moyens de subsistance était la « récolte » des oiseaux marins et de leurs œufs. En effet les îles de l’archipel sont l’un des principaux sites de reproduction de ces espèces : 135700 maquareux, 67000 fulmars, 60500 fous de Bassan, 23400 guillemots pour les espèces les mieux représentées. Pendant la saison de repro il y a environ un million d’oiseaux sur les îles. Et nos St Kildiens allaient les « récolter » au péril de leurs vies, car ces oiseaux sont installés sur des falaises vertigineuses de ces îlots volcaniques

79 S Kilda Boreray 71

Les tableaux de chasse sont hallucinants : dans les années 1830, 4000 fous et 12 à 20 000 fulmars par an. Dans les années 1900 : 5 à 6000 œufs de guillemot ! Il fallait aller les chercher, au bout de cordes fabriquées maison, et les ramener en barque également rudimentaire, et la mer peut être mauvaise par là-bas !
NB le fou est un oiseau d’environ 3 kg, le fulmar de 800 g.

Les oiseaux (adultes ou jeunes) fournissaient la viande, mais aussi de l’huile issue de la graisse pour l’éclairage, le duvet et les plumes étaient exportés pour la literie. Leur peau était également utilisée pour la fabrication de chaussures.

La communauté est ancienne, les Vikings en ont fait partie, et il y a des traces plus précoces encore. Elle est surtout bien connue et décrite depuis le XVIII ème siècle.

DSC07814

Les îles appartenaient à un Mac Leod de Harris, auquel les habitants devaient un fermage. Puis on leur a envoyé des pasteurs, et un instituteur. À cette époque il y avait une centaine d’habitants en un seul village. L’île a été évacuée dans les années 1930, le propriétaire de l’archipel le cède au National Trust for Scotland en 1956 et l’armée anglaise en a fait un base stratégique. C’est un site de l’Unesco.

Nous avons longuement erré dans ce site fantasmagorique, visitant les ruines des habitations et le petit musée très documenté. Puis nous avons fait le tour de la principale île en bateau, cela permet de s’approcher des falaises plutôt inaccessibles par le haut. Ah, que ne sommes nous des oiseaux !

OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Et l’on découvre effectivement les colonies d’oiseaux marins, dans un paysage grandiose, qui doit être encore plus terrible par mauvais temps.

Le lendemain dernier jour de météo favorable, nous faisons le tour de Boreray et de ses deux stacs, dont l’un est presque couverts de fous de Bassan.

Boreray, Stac Lee (166 m) et Stac An Armin (191m) : toutes les parties blanches sont des fous de Bassan
de D à G : Boreray, Stac An Armin (191m) et Stac Lee (166 m)  : toutes les parties blanches sont des fous de Bassan

79 S Kilda Boreray 70

Une journée de traversée (vent faible de face, moteur) pour rejoindre un abri car le lendemain ça doit souffler méchamment.

Nous revenons au monde normal… nous revenons de St Kilda !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *