Nos aventures en Albanie

D’abord nous avions peu de renseignements sur ce pays étrange, sorti il y a peu (1985) d’un isolement complet imposé par un tyran débile, suivi par un sévère régime communiste jusqu’en 1992. Il y a peu, on tirait à vue sur tout bateau étranger, dit-on, les albanais n’avaient pas le droit d’avoir un bateau (trop facile pour s’échapper !), les cotes étaient minées, les cartes sont peu fiables….
Après avoir quitté Bar, notre dernier port au Montenegro, une journée de navigation (10 h pour 34 milles) nous a mené à Shengjin, port où nous devons faire les formalités d’entrée. Arrivée à la nuit (la nuit tombe à 5h15 ici!) dans un port de pêche, sans voir les feux indiqués sur la carte (une de nos cartes n’indique même pas le port!). Par VHF, on nous guide dans un anglais que nous ne comprenons pas, mais nous finissons par accoster entre deux gros bateaux de pêche, sur un quai où des grues déchargent des camions dans un cargo. Univers peu habituel pour nous et notre petit bateau !
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Un homme nous aide pour les amarres, il s’avère être notre agent de port, un intermédiaire (privé) obligatoire entre les étrangers et la douane, police, et tout ça. Très aimable, ainsi que les policiers qui sont là aussi, mais c’est l’agent de port qui nous prend en main. Papiers, formulaires sortis du coffre de sa mercedes, sont remplis au bistro du port. Il est là pour accomplir les formalités, aplanir les difficultés, nous indiquer les dangers de la cote et ses curiosités, cela sur une carte qu’il nous dessine sur un A4… nous sommes un peu éberlués !
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Et le lendemain nous lui payons 50 Euros, pour les droits de navigation, les taxes, et sa commission, sans un reçu ni rien, mais en échange d’un bout de papier nous signifiant notre droit de naviguer en Albanie. Il y a un tampon dessus, ça doit être bon ! Nous n’avons même pas montré nos passeports !
En tous cas nous quittons vite cette ville qui se résume (pour ce qu’on en a vu) à une rangée de moches immeubles pour touristes le long des plages et à une rangée de ville pauvre et poussiéreuse adossée aux collines.
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Une autre journée de navigation (au moteur, grrrr) nous mène au pied d’un cap (Kepi) qui nous abriterait de la légère houle de l’Adriatique, mais l’une de nos cartes indique « zone minée » … Notre agent nous a bien dit qu’il n’y avait plus de problème avec les mines… on est un peu inquiet. On contacte par téléphone les garde-côte, mais une conversation de sourds ne nous apprend rien… Il y a tout près des pêcheurs, des filets, des casiers… plus de mines ? On prend le risque : on jette l’ancre par 5 m de fond et … Braouf !!
Non je plaisante !
Nuit calme, sans intervention de garde-côte ou militaires, qui semble fréquente dans les récits.
Nous descendons direct vers la moitié sud de l’Albanie, la partie nord étant semble-t-il moins attirante. De fait, grosses villes dont certaines parties remplies d’immeubles tout neufs , terminaux pétroliers, et souvent une cote plate bordée d’étangs ou de lagunes, très difficiles à aborder pour nous. Nous constatons que les cartes sont pleines d’erreurs, balises absentes ou en panne, que le trait de cote est mal reproduit, ce qui nous a couté une nuit ancrés en pleine houle de l’Adriatique alors que nous aurions du être abrité par un cap… inexistant !
Après une nuit calme sur 2 ancres pour éviter le roulis, nous sommes repartis et pour éviter un détour de 5 milles, avons traversé cette bande de terre d’un demi mille de large indiquée sur la carte, au moteur au ralenti les yeux rivés sur le sondeur. En fait il y a toujours eu 5 m d’eau sous la coque !

Trace du bateau sur l'écran GPS. En fait le mouillage était beaucoup plus près de la cote, ce que n'indique pas la trace. Et ce n'est pas un problème de positionnement GPS !
Trace du bateau sur l’écran GPS.
En fait le mouillage était beaucoup plus près de la cote, ce que n’indique pas la trace. Et ce n’est pas un problème de positionnement GPS !

A la Marina d’Orikum, plus tard, rebelote pour les formalités administratives : en fait chaque fois qu’on touche un port, on doit s’enregistrer, par l’intermédiaire d’un « agent » complètement opaque, qui te fait payer 40 € cette fois, pour un autre bout de papier, avec tampon svp ! « bon pour naviguer jusqu’à Sarandë ».
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Nous avons évoqué (nous nous sommes énervés) cette organisation merdique avec le directeur de la marina, qui a bien convenu que de cette façon l’Albanie ne développerait jamais son tourisme de plaisance, comme l’a fait si bien la Croatie. Il paraît qu’une nouvelle loi est prévue…

Après une rude journée de nav au moteur contre mer forte, vent (trop faible) et courant contraires, nous nous réfugions dans la baie de Porto Palermo, que nous a conseillé l’ami Bertrand. Nous contournons le château sur sa presqu’ile et avançons au ralenti vers un vieux quai en béton fait pour ds gros bateaux, qu’arpentent un homme en uniforme et un civil : aïe, la police et l’agent portuaire ! (il n’y a que trois maisons aux alentours…!) Bon, on accoste quand même, les gens présents (c’est un peu l’attraction!) nous aident à nous amarrer, et hop, la police. L’agent parle assez anglais pour qu’on se comprenne, et finalement quand ils on vu que était déjà « entrés » en Albanie, le flic a photographié nos différents papiers avec son portable, et OK. Un peu plus tard, il est venu nous voir pour demander si l’on pouvait lui recharger son portable dans le bateau ! OK, si on peut rendre service ! Ils ont un petit bateau amarré plus loin, avec deux gros moteurs hors-bord capables de les propulser à 50 nœuds, pour les trafiquants, les immigrés etc.
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Le lendemain, visite du château d’Ali Pacha avec le guide local, en italien…. Il nous a abondamment parlé des régimes précédents, avec humour et aussi rancœur (par exemple 12 ans de prison si tu te faisais prendre avec ton antenne télé tournée vers l’Italie, dit-il)

A Sarandë, nous allons faire le check out, les formalités de sortie. Très bien accueillis par l’assistante de l’agent local, occupé ailleurs, qui prend nos papiers. 1/2 heure plus tard : la police ne nous trouve pas sur la base de données, comme si on était jamais entrés en Albanie ! Et le poste de Shengjin ne répond pas ! Donc on attend. En attendant on pourrit bien leur système auprès de l’agente, qui n’y peut rien, mais ça défoule. Qui n’a pas fait son boulot ? L’agent de Shengjin, la police, l’agent de Vlora où l’on nous a refait une clearence (là ils auraient du voir qu’on était pas registred), ceux de Porto palermo qui nous ont contrôlé ? En tous cas ils ont vu qu’on râlait ferme et au bout d’une heure trente on avait notre papier. La police de Shengjn ne nous avait pas rentré dans l’ordi, au bout de 7 jours ! Ce n’est pourtant pas le boulot qui les étouffe, le trafic maritime est extrêmement faible.

Au demeurant, pendant tout notre séjour, nous n’avons vu les garde cotes en mer qu’une seule fois, et on a eu la paix, contrairement à d’autres plaisanciers qui ont été controlés ou forcés de déménager de leur mouillage. Tant mieux, mais on est bien mal protégé !

Mises à part ces considérations partisanes, notre impression de l’Albanie par la côte est plutot négative. Les paysages sont souvent très beaux et variés
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(en oubliant les milliers de bunkers qui les décorent)
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mais les villes sont plutôt hideuses, que des ensembles d’immeubles de 3 à 10 étages cubiques, et le pire c’est qu’il y en a en construction partout, la cote autour des quelques villes et parfois sur les quelques plages désertes est un immense chantier.
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Le peu de contacts que nous avons eu avec les habitants était très chaleureux, pas de problème de ce coté. L’Albanie aspire à rattraper le retard de développement qu’elle a pris sur ses voisins, mais pour l’instant ce n’est pas dans l’harmonie ni dans la sérénité. Des dizaines de constructions sont au point mort, des immeubles en construction ont été démolis (problèmes administratifs, manque d’investisseurs, corruption, mafia ?)
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On est déjà en novembre et nous sommes un peu pressés d’avancer, nous sommes impatients de retrouver la Grèce, du coup nous ne sommes pas mécontents de quitter l’Albanie, bien qu’il y ait surement plein de choses à découvrir, mais pas par la mer !

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